Quand un français réalise un film qui se rapproche d’un western australien se déroulant juste avant la guerre d’Algérie dans les montagnes de l’Atlas avec un citoyen du monde comme Viggo Mortensen, ça donne Loin des Hommes et c’est assez réussi.
Pour son second film au cinéma, David Oelhoffen s’intéresse à une nouvelle d’Albert Camus, l’Hôte. Il s’en inspire librement pour livrer un récit digne d’un western, rassemblant ce qu’il faut de paysages désertiques et de héros solitaires dans un contexte difficile. Ainsi, nous faisons la connaissance de Daru, instituteur d’origine espagnole qui instruit les mômes qui habitent dans un recoin de l’Atlas. Alors que la rébellion commence, il doit escorter un paysan accusé de meurtre vers la ville la plus proche pour qu’il soit jugé. Un trajet qui ne sera pas si simple mais qui permettra aux deux hommes de se comprendre.Si le contexte des débuts de la Guerre d’Algérie est présent dans le film, ce n’est absolument pas le sujet du film et cela, David Oelhoffen l’annonce clairement. Ce qui va l’intéresser, c’est le parcours de ces deux hommes diamétralement opposés qui vont petit à petit se comprendre et se lier d’amitié. Car aucun des deux n’est mauvais, tous deux ont un passé difficile qui nous découvrons peu à peu et tous deux ont leurs failles q, des actes qu’ils ne veulent pas commettre, un honneur à sauver, des origines à retrouver pour avoir une place qu’ils ont perdu, des repères qui avaient disparu.
Le portrait de Daru et Mohamed est donc un portrait complexe, remplit de compassion pour deux personnes auxquelles on s’attache et qui sont formidablement jouées par un Viggo Mortensen toujours aussi intense, et un Reda Kateb qui n’en fini pas de montrer toute l’étendue de son talent. Les deux acteurs montrent ici toutes les facettes de leurs personnages avec une grande humilité face aux décors dans lesquels ils jouent. Avec peu de mots, essentiellement à travers leurs regards et leurs gestes, ils arrivent à faire en sortent que leurs personnages communiquent et à montrer des intentions, et des émotions qui sont touchantes.
Il faut dire que le réalisateur les laisse particulièrement bien s’exprimer et les mettant en valeur, n’hésitant pas à s’attarder sur eux sans pour autant les forcer à parler, ce qui donne un film aussi silencieux et envoûtant que le désert dans lequel ils se trouvent. Car ici, la nature a aussi un rôle à jouer. Le désert aride parfois arrosé de pluies insoutenables ou caché par la brume est un personnage à part entière qui donne au film une atmosphère parfois très dure qui exacerbe la violence de l’arrivée des soldats, ou d’autres fois développe une ambiance quasi mystique qui renforce encore le parcours solitaire de ses deux personnages.
Ce rôle primordial du désert nous rappelle donc aux westerns crépusculaires, fascinants, violents et intimistes comme on a pu en voir récemment en venant d’Australie (the Proposition par exemple), dont l’usage de la musique de Nick Cave et Warren Ellis ne fait qu’accentuer le rapprochement. Tous les éléments d’un western tourné dans l’Atlas sont là, avec également ses mercenaires, ses héros qui se disputent, ses couchers de soleils, ses héros perdus et mutiques. Il en ressort alors une atmosphère fascinante et un parcours intérieur des personnages qui l’est tout autant, d’autant plus que le rythme lent n’ennuie jamais puisque nous ne savons jamais les obstacles qu’ils rencontreront sur leur chemin.
Loin des Hommes est donc un western intimiste fascinant où les superbes images du désert le disputent à la personnalité de ses deux personnages magnifiquement interprétés et avec beaucoup d’humanité. Une belle leçon.