Un jour de deuil ... Certes. Une minute de silence, d'accord. Une marche citoyenne dimanche, bien entendu. Mais au delà de l'indignation, essayons de comprendre, cessons de nous mettre la tête dans le sable.
Quand j'étais adolescente dans les années 60, personne ne parlait des persécutions subies par les Juifs pendant la guerre. Mes parents étaient revenus en France en 1945 après 14 années au Maroc puis à Alger. Ils n'avaient rien vu de cela. Cependant, notre professeur d'histoire nous a organisé au lycée une projection de "Nuit et Brouillard", le documentaire d'Alain Resnais sorti en 1955.
J'en ai fait des cauchemars pendant des nuits et des nuits et ce film a ouvert ma conscience politique à jamais, à la fois sur l'étendue de la capacité humaine à faire le Mal et sur les horreurs des totalitarismes. Des horreurs à grande échelle mais dans le principe identiques à celle de la tuerie d'hier, puisqu'on a délibérément tué des hommes à cause de ce qu'ils croyaient, pensaient, dessinaient.
Il y a quelques mois, en octobre 2012, est sorti un excellent film de Philippe Faucon, avec Rashid Debbouze et Yassine Azzouz : "La dés-intégration". On y décrit précisément le processus de radicalisation et de manipulation de jeunes hommes que tout pousse au désespoir. C'est glaçant. On frémit aujourd'hui à la lecture du C.V. des assassins présumés des journalistes de Charlie Hebdo.
On devrait reprogrammer ce film sur toutes les chaînes, comme le Téléthon. La cause est encore plus nationale car elle nous touche tous. C'est pour elle qu'il faut nous mobiliser au lieu ou en plus de descendre dans la rue.
Regardons-nous dans un miroir : qu'avons-nous fait concrètement comme efforts (nous les privilégiés, c'est à dire aussi tous nos gouvernements et nos responsables politiques, éducatifs, intellectuels, depuis 1962, droite et gauche confondus) pour intégrer à notre société et à l'économie nationale ces forces vives, inculquer les valeurs de liberté et de justice, d'égalité des chances à ces jeunes hommes nés sur notre sol mais qui s'en sentent exclus ? Car leurs soeurs, elles, s'en sortent beaucoup mieux : elle font ce qu'il faut pour se rendre libres par le travail et pour certaines, la réussite est brillante. Pour elles, la liberté d'aller et de venir, de se vêtir (et si elles veulent porter le voile, qu'on les laisse en paix !), de travailler et de se construire un avenir hors du carcan familial signifie vraiment quelque chose.
Ces criminels en fuite, on va les retrouver. Ils seront bientôt considérés comme des martyrs par une propagande entrant comme dans du beurre dans des âmes déjà perdues. Et après ?