L’affaire SK1 // De Frédéric Tellier. Avec Raphael Personnaz, Nathalie Baye et Olivier Gourmet.
Frédéric Tellier voulait nous donner l’impression de vivre l’enquête et le procès de Guy Georges. C’est un pari réussi dans un film singulier, très proche du documentaire, beaucoup plus que du film de fiction. En guise de premier long métrage pour Frédéric Tellier, ce dernier s’impose déjà comme l’une des vraies révélations de l’année 2015. Son polar nous embarque dans une aventure aussi terrifiante que fascinante. La façon dont il met tout cela en scène n’est pas sans rappeler le fait que la France a un don pour les polars d’époque. On a déjà pu le voir dernièrement avec le très bon La French, Olivier Marchal avait lui aussi réussi l’exercice avec Les Lyonnais, et j’en passe et des meilleurs. Quoi qu’il en soit, la beauté de ce film passe en grande partie par la façon dont il parvient à nous immerger pendant presque deux heures durant. On ne s’ennuie jamais et en plus de ça, on sent que l’on a une reconstitution faite avec minutie de l’une des affaires les plus complexes que le 36 quai des Orfèvres ait pu connaître jusqu’à ce jour. Le film n’a de cesse de faire les choses très proprement. On pourrait reprocher justement à L’affaire SK1 d’être doté d’un tel académisme et de ne pas sortir des sentier battus et pourtant, je pense tout le contraire.
Paris, 1991. Franck Magne, un jeune inspecteur fait ses premiers pas à la Police Judiciaire, 36 quai des Orfèvres, Brigade Criminelle. Sa première enquête porte sur l’assassinat d’une jeune fille. Son travail l’amène à étudier des dossiers similaires qu’il est le seul à connecter ensemble. Il est vite confronté à la réalité du travail d’enquêteur : le manque de moyens, les longs horaires, la bureaucratie… Pendant 8 ans, obsédé par cette enquête, il traquera ce tueur en série auquel personne ne croit. Au fil d’une décennie, les victimes se multiplient. Les pistes se brouillent. Les meurtres sauvages se rapprochent. Franck Magne traque le monstre qui se dessine pour le stopper. Le policier de la Brigade Criminelle devient l’architecte de l’enquête la plus complexe et la plus vaste qu’ait jamais connu la police judiciaire française.
En effet, le film trouve pour moi une façon de nous surprendre qui fonctionne. Par la mise en scène dans un premier temps. Frédéric Tellier ne fait pas forcément quelque chose de nouveau au cinéma mais disons qu’il emploi très bien tout ce qu’il connaît. On ne voit pas forcément toutes ses influences mais celles du documentaire sont bel et bien présentes. La France sait faire des reconstitutions historiques et ce film en est une bien belle preuve. Le Paris des années 90 est donc très bien représenté. Le film s’entrecoupe à certains moments de faits marquants de l’actualité (la victoire de Jacques Chirac, les attentats du RER à St Michel, etc.) cela apporte un peu plus au film, et appuie cette valeur documentaire. On pourrait aussi dire que L’affaire SK1 manque de personnalité. Sauf qu’au contraire, il tient sa personnalité de la pugnacité de sa mise en scène et des personnages tous très bien exploités. Il n’y a pas un personnage plus important qu’un autre (sauf notre inspecteur principal, Franck Magne, bien évidemment) et le découpage entre enquête et procès change la donne et surprend.
Je crois que c’est d’ailleurs ce qui m’a le plus perturbé mais qui parvient à nous sortir d’une certaine forme académique et propre. On n’est plus dans le récit linéaire qui suit trait pout trait ce qui s’est passé, on veut nous donner deux points de vue différents à des étapes différentes de l’enquête. J’ai trouvé ça ingénieux et surtout très intelligent de la part de Frédéric Tellier. Je ne connaissais l’histoire de Guy Georges que de nom et pourtant, j’ai l’impression d’avoir en partie vécu tout cela dans un film au cinéma. Je parle bien évidemment de L’affaire SK1 mais c’est justement la force de ce film, de nous donner l’impression que l’on était déjà présent à une époque dont je ne me souviens pas vraiment. J’étais en effet bien trop jeune pour me souvenir des déboires de l’affaire SK1. Cela permet aussi de mettre en avant pas mal d’autres choses et notamment la façon dont le monde a évolué (l’ordinateur, les problèmes de hiérarchie, les tests ADN qui ont manqué de se démocratiser, etc.). L’affaire SK1 est finalement celle qui a plus ou moins permis à la France de se rendre compte que l’ADN était une base de donnée très importante pour clôturer tout un tas d’affaires non résolues.
Note : 9/10. En bref, un film proche du documentaire. Brillant.