Aujourd'hui Paris, midi. Au moment où je me soumets aux contrôles pour l'entrée de l'exposition "Paris Magnum" à l'Hôtel de ville, le vigile qui vérifie ma sacoche me dit "Il vient d'y avoir une fusillade à Charlie Hebdo, onze morts..." Je pénètre dans l'exposition sans bien réaliser ce qui se passe. L'exposition présente le travail des photographes de l’agence Magnum (Cartier-Bresson, Capa, Riboud ou encore Depardon…,) et la façon dont ils ont accompagné les métamorphoses de la capitale. Ces images sont passionnantes certes mais le cœur n'y est pas. Impossible de se concentrer sur ces témoignages pourtant émouvants. Les photographes de l'agence Magnum racontent quatre-vingts ans d'histoire parisienne. Des grèves des années 1930 à Mai 68 et de l'arrivée de la mini-jupe aux grandes réalisation architecturales, 'Paris Magnum' nous raconte Paris. Mais non, il faudra que j'y retourne. La tête est ailleurs.
Le temps presse
Une autre histoire de la presse se passe aujourd'hui dans Paris, l'histoire d'une presse ensanglantée. Un peu plus tard, les informations se précisent : douze morts : deux policiers, des employés de Charlie Hebdo, et puis Cabu, Charb, Wolinski...
Bien sûr ce sont des pages de notre propre mémoire qui sont éclaboussées par ce sang, notamment pour la génération de ceux qui ont découvert au début des années soixante «Hara-Kiri, journal bête et méchant» de Cavanna et du professeur Choron. L'émotion que suscite cet acte meurtrier est grande et tout sera dit pour défendre la liberté de presse qui n'est qu'une face de la liberté tout court. Si bien que l'on se sent un peu impuissant pour ajouter à l'indignation quelques mots de plus.
Pourtant le temps presse. Lorsqu'on observe jour après jour, dans l'univers familier dans ce blog, celui des artistes de notre temps, les tentatives répétées pour mettre en cause la liberté d'expression, on ne peut s'empêcher d'y voir les prémisses d'une tendance plus pernicieuse. Qu'il s'agisse de saccager l’œuvre de Paul Mac Carthy ou détruire les photographies d'Olivier Ciappa, c'est bien la même agression qui se manifeste : la liberté ne se divise pas. C'est en cela me semble-t-il que les œuvres des artistes contemporains sont autant de "marqueurs" indispensables pour alerter sur toutes les tentatives d'atteinte à cette liberté.
Toute la peine que nous éprouvons en pensant à Cabu, Wolinski et les autres ne doit pas nous faire perdre de vue la vigilance indispensable que nous devons porter à cette parole sur l'art, à cette parole qui s'ajoute à toutes les autres pour ne former qu'une seule.
Bien sûr ce soir nous sommes tous Charlie.