Cette année, pour le réveillon, je suis sortie (un peu) des sentiers battus et j’ai fait celui-ci avec une partie de gens inconnus.
Ca s’annonçait prometteur.
Ca s’annonçait sympathique.
Ca s’annonçait réveillonesque.
Cela l’a été, mais il y a aussi eu un moment désagréable.
(salaud de moment va)
Ca avait lieu chez des amis d’amis à 5 minutes de chez moi (la grosse feignasse que je peux être parfois, était ravie à l’avance de ne pas galérer avec les métros ou noctilien blindés pour rentrer après la soirée). Les hôtes étaient un petit couple très sympa, qui sont très funs et de très bonne conversation et des inconnus donc (il faut être honnête que l’idée de rencontrer un mâle célibataire et sympa a effleuré envahi mon esprit).
Donc j’y suis allée avec une amie et un ami (celui qui connaissait bien nos hôtes).
Nous arrivons, faisons la bise à nos hôtes, on donne les bouteilles, on retire les manteaux et on commence à faire les présentations auprès des autres invités.
Parmi eux, certains/certaines ont étudié la musique et sont musiciens pros.
On ne badine pas avec le début de soirée alors on attaque l’apéro.
Je papote avec différents convives. On parle de nos activités professionnelles, je parle de mon taf au théâtre, de la régon parisienne où certains des invités résident. De l’appart atypique où cette soirée a lieu. Je ne sais plus comment, mais mon passif de chanteuse arrive sur le tapis et on parle de ça avec le convive musicien. Je lui parle de mes années de chanteuse dans des groupes de rock et de jazz. Du fait que j’ai pris des cours de chant lyrique, pop/rock pendant plusieurs années. J’en parle avec une autre invitée un peu plus tard, mais suite à LA REMARQUE d’une convive (que je m’en vais vous expliquer de ce pas) je me sentirais moins à l’aise, moins fière de parler de cette parenthèse enchantée.
Je me détends doucement, je ris, j’aime bien discuter avec ces gens. Ils sont très sympas, ça me fait plaisir.
Alors que certains avaient quitté la pièce, toute la petite dizaine d’invités finit par se retrouver dans le salon. Le musicien avec qui j’évoquais mon passif de chanteuse, en parle à sa compagne. Elle même a déjà fait de la musique dans un conservatoire donc je me dis qu’elle doit s’y connaître. Elle me demande mon registre vocal, toute fière de me la jouer pro de la musique, je lui réponds que je suis soprano. Elle me répond un truc du genre :
« ah bon ? »
Moi : oui, pourquoi cela t’étonne ?
Elle : oui en fait, étant donné ton physique, je ne pensais pas.
Hellooooooooooooo ascenceur émotionnel.
Avant de vous donner la suite de cet échange, je précise que son ton ne m’a pas semblé méprisant ou désagréable hein. Mais le fait est que cette histoire de physique m’a sérieusement refroidie. Surtout que comme par hasard quand elle a sorti sa phrase, la musique venait juste de s’arrêter net et qu’il y avait un gros blanc dans la conversation globale donc tout le monde a entendu.
J’ai tout de suite eu envie de lui demander d’éclaircir son propos. Mon physique ? Oui et ? Surtout que maintenant, je sais et je fais preuve d’une bonne répartie quasi systématique dans le cadre personnel et professionnel. Je suis en confiance là dessus (enfin !).
Mais étant donné que cette jeune femme n’avait pas jugé utile de faire attention à sa manière d’utiliser ses mots quelques secondes avant, je me suis dit que je n’allais pas tenter le diable. Personne ne disait rien (j’ai senti la gêne très palpable dans l’atmosphère). Je bouillonnais déjà intérieurement et je ne voulais pas que le clou s’enfonce encore davantage du fait qu’il y avait 10 personnes autour qui auraient entendu la suite. Alors j’ai enchaîné en disant : Je suis SOPRANO. OUI.
Puis un des hôtes a fait une blague en se tournant en ridicule par rapport au fait de chanter. Nous avons un peu ri et la gêne s’est dissipée. Mais pas totalement pour moi. Je vous rassure, le reste de ma soirée s’est bien passée. Cette remarque ne m’a pas empêché de continuer à discuter, de me rendre compte que j’avais des connaissances en commun avec un autre convive, de bien manger, d’apprécier l’accueil chaleureux de nos hôtes qui se sont très bien occupés de nous, de boire (un peu trop, en témoigne mon mal de tête du lendemain).
Seulement, un peu au cours de la soirée, mais surtout quelques jours après, j’y ai repensé à ce « physique » et je me sentais mal à l’aise, voire humiliée.
En racontant l’anecdote à plusieurs personnes, j’ai vu que mon malaise n’était pas exagéré bien au contraire. Je me suis demandée si sa remarque était juste maladroite ou s’il y avait une once de méchanceté (dans le fond, je ne connais pas cette personne), mais en tout cas ce n’était pas très fin. Ce qui me fout mal, c’est que je pense avoir réellement compris sa remarque. Que mon physique de femme plantureuse et bien en forme(s) ne semble pas coller pour chanter gracilement dans les aigus. Je suis plus proche d’une Marianne James que d’une Natalie Dessay c’est sûr. Elles n’ont pas le même gabarit et pourtant ces deux chanteuses sont deux formidables sopranes. Mais alors je me dis MERDE QUOI !!!! qu’est ce que ça veut dire ça ? Que mon physique « imposant » m’empêche d’aller sur ce terrain là. Et puis qu’est ce que ça veut dire ce putain de jugement à l’emporte-pièce sur mon physique aussi ? C’est quoi ça ?
Et puis ça m’a rendu triste, je ne vous le cache pas. Mes vieux complexes de fille « trop grosse », « trop en chair » prennent encore de la place en moi. Mais moins, oh oui, beaucoup moins qu’avant. Disons que je reste sensible sur la question même si je m’aime davantage maintenant.
Pas encore pleinement pour que ce genre de remarques glissent sur moi, mais suffisamment pour me dire quelques heures plus tard que je suis bien comme je suis et que je (moi, mon physique, ma voix, mon corps, ma tête…) suis une soprano qui « rocks ».