François Hollande, qui affiche depuis peu une fibre écologique dont il n'avait guère fait montre depuis le début de son quinquennat, était très attendu sur les sujets environnementaux lors de son entretien sur France Inter lundi 5 janvier. A onze mois de la conférence mondiale sur le climat dont Paris sera le théâtre en décembre, il a notamment déclaré :
« La France est exemplaire en matière d'écologie ».
Qu'en est-il vraiment ?
François Hollande effectue sa rentrée médiatique sur France Inter lundi 5 janvier. | AFP/REMY DE LA MAUVINIERE
Le Monde.fr | 06.01.2015
- Des émissions de CO2 sur la bonne trajectoire
Pour autant, l'empreinte carbone des Français, qui prend en compte les émissions générées à l'étranger lors de la fabrication et le transport de biens et de services importés en France, continue de croître. En 2010, elle représentait 733 millions de tonnes équivalent CO2, en hausse de 11 % par rapport à 1990.En outre, les dernières statistiques mondiales du Global Carbon Project, publiées en septembre 2014 et portant sur le seul CO2 (et non pas sur l'ensemble des gaz à effet de serre, dont font aussi partie le méthane ou le protoxyde d'azote), révèlent que les émissions de la France sont légèrement reparties à la hausse en 2013. Elles ont atteint 344 millions de tonnes, contre 341 millions en 2012. Au niveau européen, la France se classe au quatrième rang des pays émetteurs de CO2, derrière l'Allemagne (759 millions de tonnes), le Royaume-Uni (462) et l'Italie (353), et devant la Pologne (312) et l'Espagne (240).
Des techniciens installent une éolienne à Calais en décembre 2014. | AFP/PHILIPPE HUGUEN
- Un retard sur les objectifs d'énergies renouvelables
Selon les derniers chiffres de l'observatoire des énergies renouvelables Observ'ER, au sein de la classe Europe, la France n'affiche aujourd'hui qu'un résultat moyen, très loin des scores de la Suède (52,4 % d'énergies renouvelables en 2012), la Lettonie (34,9 %), la Finlande (34,4 %), l'Autriche (31,9 %), l'Estonie (27,8 %), le Danemark (26,3 %) ou le Portugal (24,7 %). A l'échelle mondiale, les ressources renouvelables représentaient, fin 2012, plus de 26 % de la capacité énergétique.
- Une qualité de l'air à améliorer
Concentration annuelle en particules fines PM10 dans 1 600 villes de 91 pays, entre 2008 et 2013. | OMSLa France ne respecte pas non plus les limites annuelles de l'OMS pour les particules PM 2,5 (10 µg/m3), plus dangereuses car pénétrant plus profondément dans les poumons, ni celles d'ozone (100 µg/m3 au maximum sur 8 heures). Selon une étude de l'Institut de veille sanitaire de 2012 portant sur 9 villes françaises, représentant 12 millions de personnes, le respect des normes de concentration pour les PM 2,5 pourrait éviter 2 900 morts prématurées par an.
La prolifération des algues vertes sur la plage de Hillion (Côtes-d'Armor) s'explique par la pollution des eaux chargées en nitrates dont sont responsables les déjections porcines. | FRED TANNEAU/AFP
- Une eau de piètre qualité
Un pêcheur français de coquilles Saint-Jacques, face à la côte de Port-en-Bessin-Huppain, en décembre 2014. | AFP/CHARLY TRIBALLEAU
Des flottes de pêche sur la sellette
Sur la scène internationale, la pêche française est souvent critiquée par les associations de défense des océans. Elle l'est certes moins que la filière espagnole, dont les flottes sont présentes en force tout autour du globe, mais elle a la particularité de s'obstiner à poursuivre la pratique très controversée du chalutage en eaux profondes. Cette pêche, très minoritaire, est régulièrement défendue par les gouvernements français successifs auprès de la Commission européenne, alors que celle-ci avait fait part dès 2012 de son souhait de la supprimer deux ans plus tard.En novembre 2014, le Conseil européen des ministres chargés de la pêche a décidé d'accorder à nouveau des quotas de pêche en eau profonde, au grand dam des ONG. En décembre, au moment de fixer cette fois les autorisations de tonnages pour l'ensemble des espèces pêchées dans l'Atlantique, la France comme l'Espagne se sont félicitées d'avoir obtenu des tonnages supérieurs à ce que proposait la Commission européenne. Or celle-ci avance déjà des taux de capture supérieurs à ceux que préconisent les scientifiques pour laisser aux poissons le temps de se reproduire.
La loi sur la biodiversité, annoncée lors de la première conférence environnementale de 2012 comme l'une des trois grandes lois écologiques du quinquennat, avec la transition énergétique et la réforme du code minier, n'a encore pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale alors qu'elle aurait dû être adoptée en 2013. François Hollande l'a seulement annoncée pour le printemps 2015. L'agence française pour la biodiversité, mesure phare de la loi, est seulement en train d'être préfigurée.Si la France dispose d'une vingtaine d'outils et de statuts de protection des espaces naturels, tels que les parcs nationaux (au nombre de dix), les parcs régionaux (48), les réserves naturelles (301) ou les sites Natura 2000, reste que seulement 1,4 % du territoire métropolitain terrestre est aujourd'hui « sous protection forte », selon le rapport statistique annuel 2014 du ministère de l'écologie. Tous types de protection confondus, terrestres ou maritimes, les aires protégées s'élèvent à 17 % du territoire français, selon les données du fonds des Nations unies pour l'environnement. La France est donc à la traîne par rapport à l'Allemagne (42 %) ou au Royaume-Uni (26 %), mais en avance sur l'Italie (15 %), les Pays-Bas (12 %) ou l'Espagne (9 %).Avec 1 048 espèces mondialement menacées présentes sur son territoire, la France se situe par ailleurs parmi les 10 pays les plus concernés par l'érosion de la biodiversité (avec l'Equateur, les Etats-Unis, la Malaisie, l'Indonésie, le Mexique, la Chine, l'Inde, le Brésil et l'Australie), du fait de sa présence dans les outre-mer et en Méditerranée, « points chauds » de la biodiversité.
En 2012, 47,5 milliards d’euros ont été consacrés à la protection de l’environnement en France, soit un montant trois fois supérieur à celui de 1990. Cette somme provient à 40 % des entreprises, à 28 % des ménages et à 32 % des administrations publiques, selon le rapport statistique annuel 2014 du ministère de l'écologie. Principaux secteurs financés : la gestion des déchets et l'assainissement des eaux usées (62 % des financements), loin devant l'air, la lutte contre le bruit, la biodiversité ou les sols et les eaux. La France se plaçait, en 2010, au quatrième rang de l’Union européenne pour ses dépenses en faveur de l’environnement ramenée au nombre d'habitants, derrière l’Autriche, les Pays-Bas et l’Italie, et en 5e position rapportées au PIB – derrière les Pays-Bas, Malte, la République tchèque et le Luxembourg.Le budget du ministère de l'écologie lui-même subit toutefois une nouvelle érosion en 2015, en passant de 7,06 milliards d'euros en 2014 à 6,65 milliards d'euros (-5,8 %). Une décrue qui s'accompagne d'une perte de 515 postes.Audrey GarricChef adjointe du service Planète/Sciences du Monde Pierre Le Hir