La plupart des œuvres d’art connaissent une existence paisible ; une fois réalisées, elles entrent dans une collection publique ou passent d’une galerie à un amateur en (presque) toute transparence. Quelques-unes, cependant, connaissent des destins particulièrement rocambolesques ; leur parcours se révèle chaotique, alimente parfois les faits divers des journaux. C’est à douze de celles-ci, parmi les plus emblématiques, que s’est intéressée Maureen Marozeau dans son dernier livre, Un Van Gogh au poulailler (Philippe Rey, 288 pages, 19 €).
Le titre fait référence à l’un des tableaux présentés, le Portrait du docteur Félix Rey que Van Gogh peignit en 1889 et qui, loin de décorer le paradis d’un théâtre, servit un temps à remplacer le carreau brisé d’un vrai poulailler !
En douze chapitres autonomes, classés par ordre chronologique, l’auteure raconte l’histoire singulière de trois sculptures et de neuf peintures. Son but n’est pas de proposer des analyses complexes, mais de retracer, dans un style assez haletant pour suggérer une suite de nouvelles policières, leurs aventures mouvementées. Sans doute s’agit-il d’un livre de vulgarisation, qu’il faut ici prendre dans le meilleur sens du terme. Car, loin des textes souvent trop hermétiques des critiques et historiens de l’art, qui rebutent le lecteur néophyte, Maureen Marozeau aborde son sujet en le mettant à la portée de tous, mais sans jamais sacrifier au souci du détail ni à l’exactitude scientifique ; la bibliographie qu’elle propose et sur laquelle elle s’est appuyée en atteste.
Les odyssées qu’elle évoque ne sont pas dues au hasard ; elles s’alimentent à une même source sombre, où se mêlent cupidité, passions, folie ou orgueil de collectionneurs, nationalisme, conflits armés, idéologies religieuses ou politiques. Au-delà de ses qualités propres, l’œuvre d’art, échappant à son créateur et, souvent, à ses propriétaires légitimes, devient donc l’enjeu de quelques protagonistes fantasques ou peu sympathiques.
Du fascinant Buste de Néfertiti, dont on met aujourd’hui en doute l’authenticité à la Déesse de Morgantina, acquise dans des conditions si douteuses par le Getty Museum qu’elle dut être restituée à l’Italie, de la Joconde volée à L’Astronome de Vermeer qui fascinait Hitler, en passant par Guernica de Picasso et, bien entendu, L’Origine du monde de Courbet, les intrigues se multiplient à l’envi. A côté de ces pièces majeures, en figurent d’autres, moins connues, comme la Statue équestre de Louis XIV du Bernin « retouchée » par François Girardon ou L’Exécution de lady Jane Grey du médiocre Paul Delaroche, sauvée des eaux, qui connaît un succès constant auprès du public britannique. Mais c’est, probablement, L’Agneau mystique, chef-d’œuvre d’Hubert et Jan Van Eyck, dont l’histoire demeure la plus énigmatique, la plus étonnante de toutes; elle tient en haleine le lecteur de la première à la dernière ligne.
Il est dommage qu’un index des noms cités ne figure pas en fin de volume, mais cet oubli est largement compensé par un utile cahier d’illustrations où sont regroupées toutes les œuvres traitées.