Dans son manoir, la jeune Ellen, fille unique de Lord Covent, prépare son mariage tout proche. Oh bien sûr, elle n’aime pas son futur époux: c’est un mariage de raison, décidé par son père, qui cherche certainement à s’assurer que sa fille, orpheline de mère, soit entre de bonnes mains lorsque lui se sent vieillir. Mais en cette dernière nuit de jeune fille au manoir, elle est assaillie par une vision, puis par un cauchemar récurrent où elle se voit, haletante et terrifiée, au bord de la falaise toute proche du domaine. Au matin, on découvre le cadavre disloqué de son futur époux. Et très vite, d’étranges sensations, puis d’inquiétants phénomènes viennent troubler la tranquillité du manoir: des traces de pas apparue d’on ne sait où, une robe de mariée qui suinte puis saigne, la sensation d’une présence.
Il s’agit d’une novella, un format intermédiaire entre le roman et la nouvelle. Je ne suis pas très amatrice de ce format, je trouve que c’est soit trop long, soit trop court. Pour le coup, ici, j’ai trouvé que l’intrigue était riche, et qu’elle aurait mérité quelques pages de plus pour l’approfondir. Les sujets abordés sont nombreux, à commencer par l’immersion dans le quotidien d’une jeune fille à l’époque victorienne, qui n’a que le droit de se taire et d’obéir à son père sans poser de question. On a fait mieux en terme de finesse d’analyse, mais l’ambiance correspond aux codes du roman gothique, jusqu’à l’histoire d’amour interdite voire scandaleuse entre la châtelaine héritière et le domestique, noir qui plus est. Pourtant, c’est assez habilement que les différents rebondissements parviennent à contourner les clichés et je me suis fait surprendre plusieurs fois: le méchant de l’histoire n’est jamais celui que l’on pense et le fond de l’histoire est machiavélique à souhait. Les scènes les plus inquiétantes, elles aussi, font preuve d’une originalité et d’une sobriété efficaces, en mêlant romantisme mélancolique et horreur sanglante, et font froid dans le dos. J’ai regretté cependant qu’elles ne soient pas plus nombreuses, ou mieux exploitées pour assombrir l’ambiance de manière plus durable.
L’ensemble reste cependant un peu superficiel. J’ai eu l’impression de pistes lancées qui ne sont pas pleinement exploitées alors qu’elles pourraient donner des choses somptueuses. Je regrette par exemple que les humeurs de Lord Covent changent si brutalement, au point que certains dialogues m’ont semblés un peu incohérents, comme s’il manquait des éléments. Le style lui aussi m’a paru un peu trop contemporain pour une histoire victorienne: j’ai tiqué sur les “papillotes” qui dansent devant les yeux de l’héroïne ou les infusions de la domestique qui sont “à tomber”. Cette novela m’a donc semblé perfectible et cela m’a empêché de vraiment me laisser emporter par l’histoire.
La note de Mélu:
Une jolie lecture, malgré ses défauts. Un grand merci aux éditions du Petit Caveau pour cette découverte qui inaugure la collection Gothique de leur catalogue.
Un mot sur l’auteur: Aude Réco (née en 1989) est une romancière française. Retrouvez-la sur son site web!