Décentralo cul

Publié le 03 janvier 2015 par Theatrummundi


Ils ne savent pas quoi faire. Ils n'y connaissent rien. Ils n'ont aucune culture. Ils décident pourtant.

Ils n'ont aucune idée de ce qui est intéressant et de ce qui ne l'est pas. Ils ont simplement peur.

Ils ont peur de passer pour ringards. Ils ne savent jamais s'ils ont aimé ou pas.

Parce qu'ils ne savent pas si c'est cela qu'il faut aimer, défendre, acheter.

Ils rivalisent à ne rien dire ou à parler pour ne rien dire.

Ce sont des ronds-de-cuir. Les ronds-de-cuir de la culture.

Ils se jaugent entre eux. Ils s'épient.

C'est pas mal, risque l'un.

Si celui qui dit ça a un peu de crédit parmi ses collègues acheteurs, un suiveur va lui dire:

Oui c'est pas mal.

Pas mal du tout, même.

On a surenchéri. La rumeur se répand. Un artiste éphémère naît. Le spectacle se vend.

Il sera à la mode un peu. Pas longtemps. Il est probable qu'il se démode.

Ou bien, autre version, après le même spectacle.

C'est pas mal.

Si celui qui dit ça a un peu de crédit, son concurrent, son rival, son double dit :

Ah, moi je trouve pas tant que ça, quand même.

Et là, déjà vieilli lui-même, quasi ringardisé, celui-là qui avait dit c'est pas mal se rattrape :

Oui c'est pas mal mais on a déjà vu ça cent fois. Et mieux.

Là, le spectacle est mort. Il ne se vendra pas.

Si le prochain connaît le même sort, c'est fini.

Ou encore, version différente, un cran plus haut :

La forme est claire et sur le fond c'est gonflé. On ne peut pas prendre ça.

Oui, ça pourrait être compris.

Et puis, est-ce que ça va dans notre sens ?

Je crois que je vais prendre un spectacle de jonglage de plus.

Oui, c'est plus citoyen, ça ne dit vraiment rien. 

Gloussements. Satisfaction. Risque zéro.


Ils ne savent pas quoi faire. Ils n'y connaissent rien. Ils n'ont aucune culture. Ils décident pourtant.

Ils n'ont aucune idée de ce qui est intéressant et de ce qui ne l'est pas. Ils ont simplement peur.

Ils ont peur de passer pour ringards. Ils ne savent jamais s'ils ont aimé ou pas.

Parce qu'ils ne savent pas si c'est cela qu'il faut aimer, défendre, acheter.

Ils rivalisent à ne rien dire ou à parler pour ne rien dire.

Ce sont des ronds-de-cuir. Les ronds-de-cuir de la culture.

Ils se jaugent entre eux. Ils s'épient.

C'est pas mal, risque l'un.

Si celui qui dit ça a un peu de crédit parmi ses collègues acheteurs, un suiveur va lui dire:

Oui c'est pas mal.

Pas mal du tout, même.

On a surenchéri. La rumeur se répand. Un artiste éphémère naît. Le spectacle se vend.

Il sera à la mode un peu. Pas longtemps. Il est probable qu'il se démode.

Ou bien, autre version, après le même spectacle.

C'est pas mal.

Si celui qui dit ça a un peu de crédit, son concurrent, son rival, son double dit :

Ah, moi je trouve pas tant que ça, quand même.

Et là, déjà vieilli lui-même, quasi ringardisé, celui-là qui avait dit c'est pas mal se rattrape :

Oui c'est pas mal mais on a déjà vu ça cent fois. Et mieux.

Là, le spectacle est mort. Il ne se vendra pas.

Si le prochain connaît le même sort, c'est fini.

Ou encore, version différente, un cran plus haut :

La forme est claire et sur le fond c'est gonflé. On ne peut pas prendre ça.

Oui, ça pourrait être compris.

Et puis, est-ce que ça va dans notre sens ?

Je crois que je vais prendre un spectacle de jonglage de plus.

Oui, c'est plus citoyen, ça ne dit vraiment rien. 

Gloussements. Satisfaction. Risque zéro.