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[Critique] A MOST VIOLENT YEAR

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] A MOST VIOLENT YEAR

Titre original : A Most Violent Year

Note:

★
★
★
½
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : J.C. Chandor
Distribution : Oscar Isaac, Jessica Chastain, Albert Brooks, David Oyelowo, Alessandro Nivola, Elyes Gabel, Catalina Sandino Moreno, Peter Gerety…
Genre : Drame/Thriller
Date de sortie : 31 décembre 2014

Le Pitch :
New York, 1981 : alors que la ville traverse la période la plus violente de son histoire, un homme tente de se faire une place dans le business du pétrole. Décidé à rester le plus intègre et honnête possible, il se heurte néanmoins durement à la corruption, et doit composer avec les impitoyables lois de la concurrence…

La Critique :
Le rêve américain… En voilà un concept ! Partir de rien, pour arriver tout en haut. Se faire sa place parmi les étoiles d’un pays qui offre sa chance à tous ceux qui auront le courage de la saisir. Longtemps, ce fameux rêve américain a offert au pays de l’Oncle Sam, un prestige unique, qui encore aujourd’hui, en pousse plus d’un à tout laisser tomber pour aller tenter sa chance là où tant d’autres ont réussi. Seulement voilà… Notre époque n’est plus trop prompte à croire aux contes de fées, quand bien même ces contes en question sont en mesure d’apporter plusieurs preuves pour affirmer leur caractère réel. Avec la crise, l’Amérique de John Wayne, a aussi vu sa réputation salement entachée. J.C. Chandor l’a bien compris et s’attache depuis ses débuts à parler d’un pays qui refuse presque d’évoluer pour s’adapter, s’attachant sans cesse à un glorieux passé aux codes bien souvent obsolètes, ou tout du moins, moins accessibles que jadis.
En 2011 (2012 en France), Chandor déboule avec Margin Call, son premier long-métrage. Un brillant essai, bien rentre-dedans, qui contait, en résumant à peine, la naissance de cette fameuse crise financière, en immersion totale au beau milieu d’un nid de guêpes, à Wall Street.
A Most Violent Year, son troisième film, se déroule à l’aube des années 80, mais traite plus ou moins des mêmes thématiques, en cela qu’il s’intéresse à un pays gangrené par la corruption et la violence. Deux éléments montrés du doigt comme étant ceux qui fragilisent le plus le géant capitaliste à la bannière étoilée. Et peu importe si les années 80 furent au contraire une période plutôt faste, d’un point de vue général, pour les États-Unis, car au fond, les graines étaient déjà en train de pousser, loin des regards… Même All Is Lost, la deuxième livraison de Chandor, où un homme perdu en mer essayait de survivre, seul, après que son embarcation ait percuté un container à la dérive, racontait une lutte. Celle d’un type aux abois. Une belle métaphore, bien puissante, qui dévoilait déjà les plus évidentes obsessions du jeune metteur en scène.

J.C. Chandor est solide. Il sait ce qu’il veut et possède les compétences nécessaires à de puissantes illustrations. Il raconte des histoires qu’il écrit et qu’il porte tout du long sans défaillir. Et ce qu’il faut comprendre par là, c’est que Chandor ne se plie pas aux règles en vigueur dans le cinéma américain mainstream. Nombre de spectateurs vont à coup sûr pousser la porte de leur cinéma en pensant aller voir un polar sombre et violent. Après tout, le titre est assez explicite non ? L’Année La Plus Violente ne promet pourtant jamais de tomber dans une succession de déflagrations ou de gerbes d’hémoglobine. Chandor aborde son pitch différemment. Si la musique (on croirait parfois entendre du Moroder), ainsi que plusieurs autres petits détails, évoquent le Scarface de Brian De Palma, au final, sur un plan purement formel, il n’en est rien. L’ascension du Abel de Chandor ne s’effectue pas sur le même mode que celle du Tony de De Palma. Quand Montana déboule aux USA, au début des années 80, pour faire fortune ; il le fait en faisant parler la poudre et en utilisant sa gouaille et sa propension à tomber dans une grandiloquence tragi-comique. Le protagoniste de A Most Violent Year, lui aussi immigré, essaye au contraire de faire les choses correctement, mais doit composer avec des règles du jeu qui le forcent à regarder en face ce qu’il veut à tout prix éviter. La corruption est partout et dévore la naïveté et les bonnes résolutions. La violence aussi. La trahison et les coups bas. Le pouvoir de l’argent. Souvent pendant le film, la radio rapporte des meurtres atroces. La Grosse Pomme est bouffée par une multitudes de vers qui sont en train d’en façonner les nouveaux contours. Au beau milieu de ce bordel, Abel carbure à l’ambition et tente de rester intègre. Il s’accroche à son propre rêve américain mais ne veut pas vraiment en payer le prix.

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A Most Violent Year est une œuvre formellement magnifique. Bien aidé par un budget plus confortable que pour ces deux précédentes réalisations, J.C. Chandor a les coudées franches pour nous offrir une reconstitution franchement convaincante du New York des années 80. Sans tomber dans l’excès, le film encourage l’immersion, porté par une mise en scène souvent très inspirée, comme en témoignent quelques plans absolument saisissants.
Comme mentionné plus haut, Chandor maîtrise chaque aspect de son long-métrage. À tel point d’oublier parfois de pimenter un peu son récit, souvent plat car marqué par des cassures rythmiques plutôt dommageables. Les enjeux du récit mettent également trop de temps à se mettre en place et à s’imbriquer les uns aux autres, rendant du coup les moments clés, moins décisifs et palpitants que prévu. Rien de très grave, mais fatalement, le résultat final apparaît un peu trop laborieux. Peut-être qu’avec une bonne vingtaine de minutes en moins…
Difficile également de ne pas remarquer le côté trop discret du personnage incarné avec un charisme évident par la brillante Jessica Chastain. Dans l’ombre de l’omniprésent Oscar Isaac, elle joue sur une partition qui n’est pas sans rappeler celle de Michelle Pfeiffer dans Scarface (on y revient), mais n’arrive jamais vraiment à exprimer l’essence profonde de son personnage. À vrai dire, même si Albert Brooks assure, seul Isaac bénéficie de toute l’ampleur nécessaire pour construire une performance véritablement solide. Parfait de bout en bout, le comédien confirme une acuité et un charisme remarquable, grâce à un rôle étonnamment proche de celui qu’il tenait dans Inside Llewyn Davis de frères Coen. Là aussi, Il évolue seul contre tous. Il veut tenir bon. C’est d’ailleurs lorsque A Most Violent Year s’attache vraiment à la lutte intestine qui dévore son personnage pivot qu’il s’avère le plus saisissant.

@ Gilles Rolland

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Crédits photos : StudioCanal

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