La question de l'allaitement et le choix qui s'impose entre artificiel ou naturel suscitent de vives passions. Voici un nouvel article qui éclairera un peu vos positions.
La femme qui devient maman possède une histoire personnelle marquée par tout un développement psychoaffectif ( Racamier). En effet, depuis sa propre naissance, en passant par sa tendre enfance et au-delà même de son adolescence, c'est le théâtre d'un intime qui se joue et qui se rejouera encore au travers de tous les âges de la vie.
C'est pourquoi, malgré la politique Française de promouvoir l'allaitement naturel, il faut bien comprendre que votre corps et votre histoire vous appartiennent, et que nul n'a la permission d'intervenir dans vos décisions. Cette politique culpabilise les femmes qui préfèrent donner un biberon. Or, là où il n'y a pas de plaisir, il n'y a pas de rêverie (la mère décrypte et détoxique les pleurs du bébé en leur donnant du sens pour lui et pour elle de façon inconsciente en s'appuyant sur ses ressentis, ses émotions et sa propre rêverie).
Etre " une mère suffisamment bonne " ( cf Winnicott) , c'est être une maman ni trop présente, ni pas assez. C'est faire des choix qui permettront de répondre à son enfant de la façon la plus adaptée possible selon sa propre histoire et celle de son enfant. Chaque mère invente donc sa façon d'être et sait lequel du biberon ou du sein apportera l'harmonie qui fondera la relation avec son bébé.
Avoir accès à la maternité, " c'est reconnaitre sa propre mère à l'intérieur de soi ". ( Bydlowski).Ainsi pour faire son choix entre biberon ou sein, on s'appuie inconsciemment sur des identifications à sa propre mère. Grosso modo : Soit on souhaite être comme elle soit on réfute une partie de son éducation.
Q uoiqu'il en soit, donner le sein fait appel à notre imaginaire où se confrontent tabou de l'inceste et cannibalisme. C'est faire le choix d'une relation plus charnelle, plus régressive, et certainement plus pulsionnelle. L'allaitement maternel pré-destine à une totale dépendance du bébé qui peut être vécue par la mère (et/ou par le père !) comme quelque chose de traumatisant. Le bébé qui vient au monde arrive avec ses besoins réels et incessants. Une femme qui a été psychiquement entendue par sa mère durant sa propre enfance pourra assumer avec plus de facilités les réclames de son bébé tel qu'il est et non tel qu'elle voudrait qu'il soit.
Parallèlement, la mère doit aussi pouvoir accepter l'idée d'une voracité orale à son encontre. En effet, lorsque le sein est tété, l'enfant le dévore et le détruit. Et tout ce qu'il aime est à portée de bouche.
Indifféremment du sein ou du biberon, l'enfant entre la troisième et la quatrième semaine regarde intensément sa nourricière jusqu'à ce qu'il soit rassasié. Ce n'est pas uniquement un besoin organique qui se satisfait. C'est aussi et surtout une avidité affective unique. L'enfant se nourrit du regard de la mère à ce moment précis et le lait coule en même temps que l'attention maternelle le pénètre. C'est l'expérience de la tendresse et de l'amour .Il se voit en sa mère comme dans un miroir. Et plus elle vit ce moment comme un marquant harmonieux et plus elle fonde la relation à son enfant.
Voici une anecdote clinique pour finir cet article: Une femme tenait absolument à allaiter naturellement son enfant. Lorsqu'elle était petite elle s'était sentie souvent seule et en manque d'amour , et soupçonnait d'avoir été adoptée. Vers l'âge de 9 ans, elle avait trouvé son carnet de santé portant l'indication : " allaitement artificiel". Preuve à l'appui, elle alla réclamer la vérité à "sa mère" qui lui expliqua qu'elle avait fait le choix de lui donner le biberon plutôt que le sein.Elle n'avait donc pas été adoptée! Cette femme qui devenait mère voulait inconsciemment éviter que son enfant puisse ressentir ce sentiment d'abandon qu'elle même éprouvait plus jeune et l'allaitement lui offrait la possibilité de rattraper non seulement ses lacunes affectives mais aussi la promesse d'une relation plus charnelle avec son nourrisson. quel bel avenir s'offrait à eux deux!
Et vous, quel choix faites vous?