Introspection - des intellectuels explorent la crise en nous.
Dans le sillage de "Penser Critique" qui a donné lieu à Notre Monde, projeté fin 2013, «Introspection» est une série d'entretiens consacrée à nos subjectivités individuelles et collectives.
Du 22 décembre 2014 au 2 janvier 2015, Antoine Mercier a reçu dans le journal de 12h30 sur France Culture des intellectuels et chercheurs.
Des points de vue pour penser la crise et réamorcer une réflexion autonome pour commencer l'année.
"Astre et désastre" Alechinsky 1969
Ces entretiens sont ici...
Six ans après le début de la crise dite des « subprimes », le constat d’une désorganisation financière de l’économie mondiale a été parfaitement dressé, sans que ne soit apparue une réelle sortie de crise. Les déficits se creusent en même temps que les États réduisent leur puissance d’agir.
Tout semble reposer sur un hypothétique retour de la croissance dont on ne sait même plus, de surcroît, s’il est vraiment souhaitable.
De ce coup d’arrêt donné à l’idée du progrès est née une crise de la représentation symbolique de notre rapport au monde. Où faut-il ouvrir de nouveaux lendemains ?
Michèle Riot-Sarcey, historienne
Sur la perte de sens du mot liberté.
« Les mots qui permettaient de penser et d'agir ont perdu un peu de leur substance. (.... )Qui est libre, qui ne l'est pas ? »
Alain Borer, poète, essayiste et critique d'art, auteur de «De quel amour blessée»,
Évolutions de la langue que nous parlons disent des maux dont nous souffrons.
« Il faut penser la relation de la langue à l'imaginaire, à l'image de soi et au réel. »
José Morel Cinq-Mars, psychanalyste et psychologue, auteur de «Du côté de chez soi», sous-titré : "défendre l'intime, défier la transparence", l'intime est « le noyau de la vérité de l'être et la condition même de la parole, de la pensée et de la création ». Il est aujourd'hui non seulement attaqué et fragilisé, mais aussi « en passe d'être socialement sacrifié ».
« Défendre l'intime, ce n'est pas refuser l'espace public, c'est articuler les deux. »
Franck Lepage, éducateur, militant de l'éducation populaire et ses « conférences gesticulées »
Avec l'auteur de « Éducation populaire, une utopie d'avenir », l'idée que la crise que nous vivons n’en finit pas parce qu’elle a touché la langue que nous parlons.
Et sans mots négatifs, vous ne pouvez plus penser la contradiction.»
Heinz Wismann, philologue et philosophe
Réflexion sur un mot central de notre époque : la "dette".
Comment comprendre d'un point de vue philosophique cet élément central de la crise systémique que nous connaissons aujourd'hui ?
« La dette, à laquelle tout le monde a d'abord recouru pour créer de la croissance, est connotée depuis très longtemps en Occident avec la faute. En Allemand, dette et culpabilité c'est le même mot : "Schuld". »
Roland Gori, psychanalyste
Dans la période de crise que connaît notre société, il semble naitre une nouvelle langue.
"Langage de crise", ou crise du langage ? Pour le psychanalyste Roland Gori, c'est désormais la langue de la technique qui remplace la parole humaine.
Sophie Wahnich, historienne, spécialiste de la Révolution française
Elle revient sur la place de l’État dans nos sociétés modernes :
sa faiblesse semble aller de pair avec une surenchère autoritaire.
« On cherche, dans le contexte néolibéral, à affaiblir la présence de l’État.
Il y a un consentement très fort des élites politiques à ce choix. »
André Orléan, économiste
Au lendemain des vœux de François Hollande, il évoque la finance et la parole présidentielle à son égard.« Il y a un pêché originel qui pèse durablement sur la crédibilité de la parole présidentielle, c'est le fait qu'il a renié au départ son programme. Le fameux programme du Bourget : mon ennemi, c'est la finance. »
Patrick Vassort, sociologue
Il revient sur la crise actuelle du capitalisme, crise qu'il considère comme "celle qui risque d'être sa plus grande", car elle touche selon lui aux fondements de la vie humaine en société. Et il pousse en direct un coup de gueule contre cette démocratie française qui laisse mourir de froid des enfants dans ses rues.