Crédit photo: andystoll / FlickR
Rien n’est jamais simple au Moyen-Orient.
Entre le téléphone arabe, les rumeurs du jour et les multiples théories du complot, il n’est pas toujours facile de faire la part entre ce qui relève du réel et du virtuel.
Après des mois de blocage politique et d’accrochages répétés entre différentes factions qui finirent récemment en bain de sang, les accords de Doha, - qui ont finalement permis d’aboutir à l’élection d’un Président ce week-end - , sont venus apporter un nouveau souffle d’optimisme dans la société libanaise.
Officiellement, ils sont le résultat d’une entente, relevant presque d’un « miracle », entre la majorité parlementaire anti-syrienne et l’opposition proche du Hezbollah.
Officieusement, les bribes d’information qui émanent des coulisses laissent transparaître, une fois de plus, l’implication d’une nébuleuse d’acteurs.
A commencer par la République islamique d’Iran, historiquement liée au Liban, de par sa participation à la création du Hezbollah. Son Ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki avait fait le déplacement jusqu’à Beyrouth ce dimanche, pour assister à la séance parlementaire, - après un détour sur le tombeau d’Imad Moghniyé, haut responsable des opérations militaires du Hezbollah assassiné en février à Damas, dans la banlieue chiite.
Cette fois-ci, c’est le rôle modérateur de Téhéran qui s’est distingué. Au pic des discussions, l’Iran aurait déployé de multiples efforts pour convaincre ses amis du Hezbollah d’aboutir à un accord, et, disent certains, d’accepter le texte qui mentionne la question des armes.
Hier, lors une conférence de presse qui s’est tenue dans l’enceinte de l’Ambassade iranienne (cliquer ici pour en lire l'intégralité), Manouchehr Mottaki l a tenu à saluer l’accord de Doha, en faisant référence à la médiation iranienne :
«Le dernier jours des discussions [de Doha] , à 3 heure du matin, notre envoyé spécial nous raconta par téléphone que certains problèmes avaient fait surface dans le processus de négociation. Nous sommes alors entrés à nouveau dans des discussions avec les Qataris. Nous les avons persuadé de poursuivre les négociations et nous avons exprimé notre soutien envers ces négociations ».
Des propos qui viennent confirmer les déclarations faites à la presse, la veille, par le chef des Forces Libanaises, Samir Geagea, qui s’exprimait sur les disputes de dernière minute relatives aux tentatives de Michel Aoun, le chef du CPL, de faire élire un gouvernement de transition et non un nouveau président de la République.
« Même à Doha, cette proposition était restée de mise jusqu’au dernier instant. Il a fallu que le ministre iranien des Affaires étrangères appelle à quatre reprises les gens du Hezbollah pour leur dire d’accepter l’accord et que ces derniers informent le général Aoun de leur intention de voter pour le général Sleimane pour que le général Aoun se rende compte que ses alliés l’ont abandonné. Et ce n’est que mercredi à deux heures et demie du matin qu’il a été contraint, après une visite chez lui de l’émir du Qatar, d’accepter l’accord », a ainsi déclaré Samir Geagea à la presse.
D’après certains observateurs, les Etats-Unis, dépassés par les dossiers irakien, afghan et iranien, se seraient, eux, résignés à prendre leur distance avec la question libanaise en suggérant à leurs traditionnels alliés de la coalition du 14 mars d’accorder au Hezbollah le droit de veto sur les décisions gouvernementales comme pré condition à l’élection de Sleimane.
Nabih Berri, le président du parlement, y est même allé de sa petite remarque sarcastique à l’égard de Washington, en déclarant :
"Je remercie néanmoins les États-Unis car ils semblent s'être convaincus que le Liban n'est pas l'endroit approprié pour leur projet de nouveau Moyen-Orient".
Il faisait référence aux déclarations de la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, qui avait estimé durant la guerre entre le Hezbollah et Israël à l'été 2006 que les souffrances du Liban faisaient partie des "douleurs d'accouchement du nouveau Moyen-Orient ».
Et dans la série des décisions prises en coulisse, on ne pourra s’empêcher d’évoquer la rumeur selon laquelle l’Emir du Qatar aurait fini par signer des chèques à l’intention des protagonistes pour les forcer à se mettre d’accord…. Mais ceci est bien moins facile à confirmer. Ah, le téléphone arabe…