Un film de Cyril Mennegun (2012 - France) avec Corinne Masiero, Jérôme Kirchner, Anne Benoit, Marie Kremer
Très émouvant, jamais mélo, un tantinet effrayant...
L'histoire : Louise, cinquante, est SDF. Elle gagne un salaire misérable en cumulant plusieurs emplois de femme de ménage, pas de quoi se payer un appartement. Et sa demande HLM est en suspens depuis des mois. Alors elle dort dans sa voiture, prend des douches dans les stations d'essence, pique un peu de nourriture ici ou là et, pour payer ses dettes, revend peu à peu ses maigres possessions, qu'elle avait entreposées chez un garde-meubles, qu'elle ne paie pas et qui la menace de tout mettre sur le trottoir...
Mon avis : Corinne Masiero est bouleversante. Qu'elle soit en colère, arrogante, ivre, triste, joyeuse... elle exprime la moindre nuance avec une classe incroyable, sans jamais tomber dans le pathos. Louise garde toujours une grande dignité malgré les circonstances. Et Corinne Masiero l'incarne avec générosité et passion. Une merveille.
Le film est linéaire, et on pourrait croire que c'est ennuyeux de suivre le quotidien de cette SDF. Je n'aime pas, vous le savez, le genre "tranches de vie", mais ici, on est fasciné et effrayé. Néanmoins, Louise n'est pas une femme passive qu'on regarde vivre ; c'est une guerrière, fière, indépendante, même si elle craque de temps à autre. Une héroïne des temps modernes. Une survivante. Une combattante. Contre l'adversité, contre les nantis. On souhaite donc ardemment, égoïstement, qu'elle le trouve, ce foutu appartement !
Pourquoi égoïstement ? Parce que cette histoire nous renvoie directement à nous et nous file les chocottes. Louise est une femme comme nous ; on ne sait rien de son passé, de la façon dont elle est arrivée là, mais par petites touches on le devine. Un ex-mari qu'elle a quitté (l'a-t-il trompée ? elle lui balance un violent "Tu ne m'as pas laissé le choix !") ; une vie qui devait être "normale", dans la classe moyenne : elle essaie toujours d'être propre, quand elle se maquille, elle s'apprête avec soin, comme si elle avait eu la parfaite maîtrise de ces gestes autrefois ; sa voiture est une grosse Volvo. Elle est comme nous, Louise Wimmer, et avec la crise que nous traversons, on sait qu'un destin peut très vite basculer. Un boulot qu'on perd, les fins de mois trop difficiles, le découragement, la déprime, le couple qui vacille, la séparation, le coût astronomique du logement... et la liste d'attente interminable des HLM. La misère et la rue ne sont pas si loin... C'est ça qui est terrifiant, dans ce film !
Une scène m'a marquée. Elle s'est assise dans une cafét' où elle a pris juste une boisson. Lorsque la femme de la table d'à côté s'en va, laissant son plateau... et des restes, Louise vient discrètement la remplacer. Elle lave le bord du verre, la fourchette, et avec l'assiette part se resservir au buffet (beaucoup de selfs ont les légumes "à volonté", une fois la caisse passée). Mon mari, commercial, toujours en vadrouille, m'a dit voir de nombreuses personnes se livrer ce petit manège lorsqu'il déjeune en cafétéria... C'est dément !
Spoiler. Le dénouement est heureux et on est si content pour Louise. Elle rit, elle a les larmes aux yeux, elle va enfin vivre dignement, avoir un vrai chez elle, avec une salle de bain et des WC. Mais malgré tout on garde un goût amer en bouche : on a vu précédemment que son patron, qui ne l'aime guère, est en train de songer à la remplacer par une plus jeune ; et la cité de tours, innombrables, sinistres, où elle arrive s'avèrera sans doute bien décevante... Etant donné ce qu'on voit de nos jours, on l'imagine devant la cage d'ascenseur, apprenant qu'il est en panne depuis six mois. Or, son appartement est au quinzième étage... Mais le sourire lumineux de Louise nous fait oublier nos idées négatives. Non, non, la vie va redevenir belle... Fin du spoiler.
Un film à voir. Réaliste, social, avec cependant une pointe d'optimisme effréné. Pour réfléchir. Pour continuer de compatir, la prochaine fois qu'on croise un mendiant, lui donner une pièce et lui sourire. Moi, j'ai honte de notre société.
On a fait une révolution il y a plus de deux cents ans ; on en est fiers. Y a pas de quoi. Rien n'a changé.
Si je n'ai mis "que" 7, c'est parce que ça reste un film "tranche de vie", et que chez moi, ça ne colle pas trop à l'idée de spectacle qu'est le cinéma. J'aime qu'on m'emmène ailleurs... et je préfère rêver devant des princesses que sur la vraie vie.
Le film a fait l'unanimité (ou presque) auprès des médias et du public.