Quincaillerie

Publié le 27 mai 2008 par Véronique Bessard

Jean Follain, poète du siècle dernier, avocat et lauréat du Grand Prix de poésie de l’Académie Française, voulait "voir les choses telles qu’elles sont". Dans ce poème,  la quincaillerie, lieu banal par excellence, devient une sorte de temple où les humains s’agitent au milieu de choses qui les dépassent. J’y vois une sorte d’opposition de la vie au métal froid et indestructible de la mort.
Dans une quincaillerie de détail en province
des hommes vont choisir

des vis et des écrous

et leurs cheveux sont gris et leurs cheveux sont roux
ou roidis et rebelles.

La large boutique s’emplit d’un air bleuté,

dans son odeur de fer

de jeunes femmes laissent fuir leur parfum corporel.
Il suffit de toucher verrous et croix de grilles
qu’on vend là virginales
pour sentir le poids du monde inéluctable.
Ainsi la quincaillerie voyage vers l’éternel
et vend à satiété
les grands clous qui fulgurent.
Jean Follain, Usage du Temps (N.R.F)