d'après CE COCHON DE MORIN de Maupassant
La scène se passe dans un compartiment de train de nuit.
Morin est assis en face d’une femme jeune et jolie.
Le jour se lève.
Elle s’éveilla et sourit
En le regardant.
Morin tressaillit :
’’ Elle a un air engageant.
C’est une invitation discrète.’’
Il songeait en fait :
’’Es-tu bête
D’être resté en tête à tête,
Sans rien avoir tenté depuis hier soir ! ‘’
Dans sa mémoire,
Il chercha le compliment
Adapté à son sentiment
Mais il ne le trouva pas.
Saisi d’audace, il décida :
’’Je risque tout !’’
Et il l’embrassa sur la joue.
Elle se mit à hurler.
Le contrôleur est arrivé.
-« Ce type a tenté de me violer ! »
Morin fut arrêté.
Et plainte fut déposée
Pour outrage aux bonnes mœurs.
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À l’époque, j’étais
L’un des enquêteurs
Du quotidien Bordeaux-soir,
Et, presque tous les soirs,
Je rencontrais
Mon camarade Morin au café.
Il savait
Que je connaissais
La famille
De la jeune fille,
De riches vignerons
Des environs.
Il me conta son affaire.
Et ne savait que faire.
Je ne lui cachai pas mon opinion :
« Tu es un cochon ! »
Le pauvre diable me demanda, avec émoi :
-« Peux-tu intervenir pour suspendre
Les poursuites contre moi. »
Il me ressassait :
-« Certes, j’ai voulu la prendre
Mais je ne l’ai même pas enlacée. »
-« C’est égal, tu es un cochon. »
Il glissa un billet
Dans la poche de mon veston.
Une heure après,
Avec mon ami Fréval,
L’éditorialiste du journal,
Nous sonnions à la porte du plaignant.
Vint ouvrir une femme jeune et belle.
Assurément,
C’était elle.
Je dis tout bas à mon copain :
-« Sacrebleu, je comprends Morin ! »
Par un heureux hasard,
Le viticulteur
Fidèle lecteur
De Bordeaux-soir.
Se montra enchanté
De recevoir
Deux journalistes de ce canard.
À l’oreille, Fréval m’a glissé :
-« Je crois qu’on va arranger
L’affaire de ce cochon de Morin. »
-« Pas sûr. On ne pourra jamais faire passer
Un tel scandale dans un train
Pour une banale scène de baisers. »
Prévoyant une longue négociation,
Le brave vigneron
Nous invita à diner.
À minuit, n’ayant pas encore trouvé
Un bon arrangement,
Il nous offrit l’hébergement.
Le lendemain, il nous fit visiter
Ses vignes et sa propriété.
Fréval et lui se mirent à parler
Récoltes, œnologie, politique
Et du prochain concours hippique.
Quant à moi, je me plaçais à côté
De la jeune beauté :
-« Songez à vos ennuis, mademoiselle ;
Vous allez en avoir à la pelle.
Quand vous allez comparaitre,
Il vous faudra avouer
Devant tout le monde qu’un être
Vous a agressé sexuellement
Dans un compartiment,
Que vous n’avez pu rembarrer
Le malotru, le garnement. »
-« Vous avez raison.
Mais j’ai eu peur
Que ce polisson
Ne fût un profiteur. »
-« Et si je vous embrassais,
Que feriez-vous ? »
Elle me dévisageait :
-« Oh, vous,
C’est différent. »
-« Pourquoi ça ? »
-« Vous n’êtes pas aussi bêta ! »
Puis en me regardant
Par en-dessous, elle ajoutait :
-« Vous n’êtes point aussi laid. »
Je lui plantai alors un long baiser
Et lui disait :
-« J’aimerais bien être jugé
Pour la même raison
Que Morin, ce gros cochon. »
Puis je l’enlaçais
Et lui jetais
Des baisers voraces
Partout où je trouvais de la place.
Sa main rencontra la mienne.
Mes lèvres trouvèrent les siennes.
Je réussissais où avait échoué Morin.
Avec humour, Fréval me dit :
-« Est-ce ainsi,
Que tu répares l’affaire Morin ? »
Le lendemain, j’annonçais à ce dernier
Que la plainte était retirée
Par le vigneron :
-« Ton affaire est arrangée, mon cochon ! »