J'avais oublié combien le nom de Garibaldi pouvait évoquer de symboles, d'idées révolutionnaires, de batailles et de sanglantes blessures. J'aurais dû me souvenir du nombre de rues ou de places qui portent ce nom illustre non seulement en Italie mais aussi en Amérique latine et dans notre pays.
Ce n'est pas l'histoire d'une vie, c'est toute une épopée. Bien entendu, Pierre Milza déborde d'admiration pour son sujet, mais vraiment, il y a de quoi ! C'est une trajectoire humaine et historique absolument fantastique à l'échelle de tout le XIXème siècle et à travers plusieurs continents.
Car la vie de ce simple citoyen né niçois (et donc Français, mais il sera aussi Italien et citoyen des Etats-Unis) en 1807 est plus riche d'événements que celle du plus pur héros de feuilleton. C'est si vrai qu'il a demandé à Alexandre Dumas de superviser l'écriture de ses mémoires, qui décrivent plus d'épisodes que d'Artagnan et les Trois Mousquetaires réunis.
Pas question donc de la résumer ici. Mais une occasion de réviser une tranche capitale de l'histoire des relations européennes à travers le lent et cruel processus d'unification de l'Italie, aussi confus et dépourvu d'espoir d'une issue favorable pendant plus d'un demi-siècle. Ce qui n'est pas sans rappeler certains conflits actuels.
En 1860, ni la France ni la Grande-Bretagne autrefois associées dans la guerre de Crimée (déjà !) et concurrentes, ne souhaite que l'Italie fasse son unité : l'Angleterre parce qu'elle veut rester maîtresse des routes de Méditerranée, la France à cause de la question Romaine.
Pourtant, bien avant cette date, Giuseppe Garibaldi a déjà acquis l'étoffe d'un héros. Banni du Piémont en 1834 pour avoir fomenté une révolte à Gènes, il est parti combattre au Brézil, ou plus exactement dans la guerre de sécession du Rio Grande do Sul et en Uruguay. Ce qui explique l'accoutrement étrange qu'il arbore tout au long de sa vie : le poncho sur la chemise rouge (qui vient d'un stock de chemises destinées aux ouvriers des abattoirs). Il y a trouvé la gloire et une femme intrépide qui combattra avec lui jusqu'à la mort : Anita.
Trompe-la-mort, marin intrépide, cavalier puissant, homme du peuple totalement désintéressé au point de faire vivre très modestement sa famille en refusant bien des pensions, talentueux tacticien, meneur d'hommes, séducteur de toutes les femmes, anticlérical et franc-maçon résolu, obsessionnellement opposé au Pape qu'il considèrera jusqu'à la mort comme un obstacle à l'unification de sa Patrie, Garibaldi est un personnage vraiement hors du commun.
Ses relations tumultueuses avec Mazzini, l'autre chantre du Risorgimento, l'attitude ambiguë de Napoléon III, le choix du républicain sincère de faire allégeance au roi Victor-Emmanuel comme seul détenteur de la force nécessaire à réunir les Etats italiens, l'engagement tardif mais héroïque aux côtés de la République Française en 1870 dans l'Armée des Vosges … Le héros des Deux mondes, devenu avec l'âge et les terribles rhumatismes qui le clouent dans son fauteuil le vieux lion de Caprera étonne à chaque instant.
Ce qui me surprend le plus, c'est la capacité d'enrôlement des hommes de cette époque, pour des combats aussi fratricides que dangereux. D'un bout à l'autre de la période et pratiquement jusqu'à sa mort en 1882, Garibaldi continue à rassembler autour de son nom et de sa renommée. Un héros devenu une légende à l'échelle du monde.
Bref, une biographie étourdissante …
Garibaldi, par Pierre Milza, édition de poche chez Fayard/Pluriel, 736 p., 12 €