Une idée surgie à midi, réalisée à 7 heures : une soirée qui fera date pour nous, une pièce de théâtre d'un clacissisme étincelant servie par une troupe de comédiens uniques, habités par leur rôle.
Et c'est peu dire de Michel Bouquet – 87 ans – qui incarne ce roi dépouillé de tout pouvoir dans sa lente agonie. On profite encore de son art puisqu'on annonçait comme irrévocable sa dernière apparition sur scène en mai 2014 ...
Il y est accompagné par quatre personnages. Ses deux reines d'abord : la « vieille », sa première épouse Marguerite (jouée par son épouse dans la vie, Juliette Carré) et la nouvelle toute de blanc vêtue, Marie. Il y a aussi le médecin, chirurgien, bactériologue, bourreau et astrologue, et puis Juliette, la femme de ménage qui est aussi infirmière, cuisinière, jardinière (elle représente le peuple) et enfin le Garde, qui sert aussi de héraut, de communicant.
Le roi, c'est vous et moi. Face à la mort, il commence par le déni, puis la colère, la révolte, enfin la résignation. Mais comme tout un chacun, Béranger Ier n'a pas eu assez de temps pour s'y préparer. Tout échappe à ce roi qui agonise : il n'a aucune prise sur la situation catastrophique de son royaume, a perdu toutes les guerres qu'il avait gagnées, reperdues toutes celles qu'il avait perdues, l'herbe repousse au-delà de ses frontières mais pas chez lui, dans son pays tout n'est que cataclysmes … ça ne vous rappelle rien ? Sa première épouse l'accable de ses sarcasmes réalistes et cruels, sa jeune femme ne veut pas croire en sa disparition qui signifie pour elle l'anéantissement et l'oublie.
Alors on reste ébahis devant cet extraordinaire moment de spectacle, la performance des acteurs et en particulier celle de Michel Bouquet. Le texte est précis, percutant, pas démodé pour deux sous, la pièce se joue en un seul acte, elle dure une heure et demie, les mouvements de visage, les râles rauques, la façon de se mouvoir de l'acteur principal sont époustouflants. A la fin, la salle, pleine à craquer, applaudit debout. Nous, on est un peu sonnés. Très émouvant.
Le roi se meurt, pièce en un acte d'Eugène Ionesco créée en 1962, avec Michel Bouquet, Juliette Carré, Nathalie Bigorre, Pierre Forest, Lisa martino, Sébastien Rignoni, mise en scène de Georges Werler.