Le marché équitable : l'industrie rattrape le mouvement d'un marché "juteux"...

Publié le 27 mai 2008 par Ecolo Trader

Ca y est, le Commerce Equitable est désormais une notion connue et reconnue par la majorité des français. Représentant 166 millions d’euros en 2006, le marché a atteint 210 millions l’année dernière. On consomme de plus en plus de produits équitables et bien évidemment on ne tarde pas à voir de arriver de nouveaux acteurs qui semblent se découvrir une vocation dans un commerce plus juste.

Vaste marché...

Cette année marque un tournant sur le marché du Commerce Equitable en France avec l’arrivée d’industriels proposant des (une ou deux) références équitables mais aussi avec le lancement des marques propres de la grande distribution. Il y a là un marché à prendre… il ne faut pas le leur dire deux fois.
 

...et large diffusion

La grande nouveauté réside bien évidemment dans la multiplication des marques proposant des produits équitables labélisés Max Havelaar, la grande distribution en tête. Ce sont aujourd’hui des gammes entières qui sont lancées par les enseignes de distribution. Qui l’aurait cru il y a 6 ans quand Alter Eco a lancé la première gamme complète de produits issus du Commerce Equitable en GMS ? Voilà une belle preuve que le Commerce Equitable n’est pas une utopie, qu’il est viable sur le marché !

Réjouissons-nous : la puissance de communication de la grande distribution va permettre de donner de la visibilité à un commerce plus juste. Attention cependant à ne pas tomber dans la récupération et la simple démarche marketing.

GMS : Le prix, toujours le prix

Leur mot d’ordre : le Commerce Equitable moins cher que les autres. Voilà une belle preuve que la logique même d’un commerce plus juste n’a pas été bien comprise. Le prix, toujours le prix. Voilà des années que les distributeurs se positionnent sur ce créneau en multipliant les outils et la communication pour prouver qu’ils sont les moins chers du marché. Malheureusement à vouloir faire croire aux consommateurs qu’on peut proposer des produits équitables au rabais, on risque de dénaturer la mission même des acteurs du commerce équitable qui est avant tout de poser des questions sur notre façon de consommer : des prix bas mais à quel prix ?

Bien sûr, proposer des produits qui soient accessibles à tous est indispensable pour pouvoir démocratiser le Commerce Equitable mais jouer sur les prix, est ce bien là la seule chose à faire ? Si - comme ils semblent le crier haut et fort - leur motivation première est de développer un commerce plus juste, ne vaudrait-il pas mieux étendre la place allouée à ces références en rayon ? Les produits équitables représentent difficilement 0,1% du Chiffre d’Affaires des enseignes de grande distribution. Vous souhaitez développer le Commerce Equitable ? Doublez le nombre de références dans les magasins, développez des gammes complémentaires aux acteurs spécialisés, faites des études d’impact sur le terrain, élargissez ces pratiques plus justes à l’ensemble des produits…

Un industriel peut-il proposer quelques produits équitables au milieu d’une gamme qui ne l’est majoritairement pas et se dire militant pour un commerce plus juste ? L’équité ne doit pas être un faire valoir mais venir d’une conviction profonde, d’une volonté de refuser l’ordre établi et de changer les règles. Le veulent-ils vraiment ?

Rappel d'un commerce équitable

Rappelons enfin que le Commerce Equitable est une démarche qui doit par nature être globale et cohérente. Il est indispensable d’aller rencontrer les producteurs, de connaître leur besoins, d’identifier avec eux les risques et les opportunités (transformation sur place, valorisation des savoir-faire traditionnels,…), d’essayer de réduire son impact environnemental, de proposer des produits sains et de soutenir au maximum la biodiversité et l’agriculture biologique. Tout cela forme un tout dont les parties sont indissociables. Des produits équitables pleins d’OGM ? Des produits bios dont on exploite les producteurs ? Une entreprise qui utilise de l’énergie verte mais qui musèle ses syndicats ? Cela sonne clairement faux. L’homme et l’environnement ne sont pas deux composantes qu’il faut traiter indépendamment. Espérons donc que la multiplication des acteurs sur ce marché s’accompagne aussi d’un véritable changement dans les pratiques commerciales des grands groupes.

Incapable de définir ce qu’est l’Amour, Krishnamurti nous dit qu’il faut définir ce que l’Amour n’est pas. Alors prêtons nous au jeu : le Commerce équitable ce n’est pas qu’un logo sur un paquet de café, ce n’est pas un marché juteux sur lequel nous devons développer nos parts de marché, ce n’est pas un prétexte à la communication, ce n’est pas un faire valoir, ce n’est tout simplement pas le commerce ultralibéral, destructeur qui maximise le profit et écrase les plus faible comme celui qu’on nous impose aujourd’hui…

Eric Garnier