Titre original : Fargo
Note:
Origine : États-Unis
Créateur : Noah Hawley
Réalisateurs : Adam Bernstein, Randall Einhorn, Colin Bucksey, Scott Winant, Matt Shakman.
Distribution : Billy Bob Thornton, Martin Freeman, Allison Tolman, Colin Hanks, Bob Odenkirk, Kate Walsh, Adam Goldberg, Oliver Platt, Keith Carradine, Rachel Blanchard, Joey King…
Genre : Drame/Thriller/Comédie/Adaptation
Diffusion France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
Lorne Malvo, un personnage énigmatique et malveillant, débarque dans une petite ville de l’état du Minnesota et ne tarde pas à semer le désordre. Notamment lorsqu’il rencontre un vendeur d’assurance naïf et introverti qu’il va précipiter dans une spirale infernale.
Alors que la police enquête sur les agissements de Malvo, une adjointe pugnace commence à démêler le vrai du faux concernant ce sombre individu pour le moins insaisissable…
La Critique :
Il faut se méfier des adaptations télévisuelles de films à succès. Qui se souvient en effet de la série RoboCop ? De The Crow : Stairway to Heaven ? Des Cauchemars de Freddy ou encore des Mystères d’Eastwick ? Combien de Stargate ou de Buffy pour un paquet de productions poussives et surtout opportunistes, incapables de renouer, ne serait-ce qu’un tout petit peu, avec l’esprit de l’œuvre originale ? À plus forte raison quand on parle de grands films…
Fargo justement, réalisé par les frères Coen en 1996, est un grand film. Un chef-d’œuvre en forme de référence ultime, qui n’appelait pas de suite, de préquel, ou d’adaptation à la TV. Cela dit, Noah Hawley, le créateur de la série, a bien fait d’oser, car ce qu’il a réussi à accomplir va au-delà des espérances les plus folles !
L’action de Fargo se déroule en 2006 et s’inspire, comme nous l’indique le générique, de faits réels. Seuls les noms ont été changés, etc… Plutôt que d’essayer de raccrocher d’emblée les wagons avec le film des Coen (ici producteurs délégués), le show s’attache à suivre de nouveaux personnages. L’action ne se déroule même pas -dans un premier temps- dans la ville de Fargo et finalement, seule la neige fait office de fil rouge entre le film et la série.
Au premier abord en tout cas, car quelques minutes suffisent pour se rendre compte que Noah Hawley est parvenu, avec un brio qui ne fait que se confirmer au fil des épisodes, à renouer avec l’atmosphère si particulière des frères Coen. Sa série n’est pas tapageuse. Elle prend son temps et repose en particulier sur des dialogues ciselés, superbement mis en valeur par des acteurs inspirés.
Des comédiens prestigieux d’ailleurs, à l’image de Martin Freeman et de Billy Bob Thornton, pour ce qui est des têtes d’affiches, et de Colin Hanks (le fils de), d’Allison Tolman, de Bob Odenkirk (le Saul de Breaking Bad), ou encore d’Oliver Platt.
Une distribution super pertinente, en forme de surplus de prestige, pour un show dont l’une des principales forces est de tirer partie, sans se démonter, de tous les éléments mis à sa disposition, en suivant tranquillement sa route, jusqu’au dénouement, impitoyable et jubilatoire. Les acteurs livrent tous des performances sans faille, à l’image de Billy Bob Thornton, qui trouve peut-être bien son meilleur rôle, contribuant au final à faire de Fargo, la série, une entité à part, qui justifie sa légitimité dès le premier épisode. À signaler d’ailleurs que les 10 épisodes de cette première saison forment une histoire avec un début et une fin et n’appellent donc pas une suite (comme True Detective). Bien heureusement vu la qualité de l’ensemble, nous aurons droit à une seconde saison…
Des acteurs au top donc, mais pas que. Fargo, c’est aussi et surtout une faculté à imbriquer dans une fluidité totale, une somme d’intrigues toutes extrêmement soignées, pour ensuite les réunir, via l’entité maléfique de Lorne Malvo, ce tueur de sang froid incarné par Billy Bob Thornton.
Chaque personnage a droit à son arc narratif, personne n’est délaissé, entre drame pur, suspense maîtrisé et comique de situation. L’esprit des Coen est bien là, au centre d’une dynamique sublimée par une plume concise, en permanence jubilatoire, rythmée à la perfection, généreuse et d’une fluidité exemplaire.
Cette production de la chaîne FX est un modèle du genre, rien de moins. Cerise sur le gâteau : la série se paye le luxe de quelques clins d’œil bien sentis lui permettant de se positionner dans la mythologie du long-métrage, sans jamais céder à la facilité. Mais peu importe si vous n’avez pas vu le Fargo des Coen, car là n’est pas l’essentiel (ceci dit, il faut voir ce film!). Les clins d’œil font juste office de bonus et finissent de faire du show une œuvre dense et fédératrice.
Sans concession, violente, d’une intelligence précieuse, parfois cruelle et acerbe, la série met en avant une science de l’écriture rare. Que l’on parle de fictions télévisuelles ou de longs-métrages d’ailleurs tant le show de Noah Hawley fait partie de ces productions dont la flamboyance contribue à abattre les frontières entre le petit et le grand écran.
L’opportunisme n’a pas sa place dans l’équation. Tout en échappant aux tentatives intempestives d’étiquetage, Fargo impose une classe ultime. La mise en scène, redoutable, froide et implacable, s’accorde fabuleusement avec les intentions du récit et ses enjeux. L’addiction ne tarde pas à s’installer. Fargo est une série passionnante, dense, complexe et pourtant si évidente. Plus qu’une série, un monument.
@ Gilles Rolland