d'après LA MORTE de Maupassant
Je l’aimais depuis un an
Quand
Elle est trépassée.
Un soir de pluie,
Elle était rentrée trempée.
Le lendemain, elle toussait
Et respirait difficilement.
Elle eut beau garder le lit
Et prendre des médicaments,
Rien n’y fit.
Un prêtre l’a bénie
Mais comme il l’appelait :
’’Votre maîtresse’’, je l’ai chassé
Considérant qu’il l’insultait
Et qu’il m’offensait.
Puis elle fut enterrée.
Elle, dans un trou, enterrée !
Quelques personnes sont venues.
Qui ? Je ne sais plus.
Je me suis sauvé. J’ai couru
A travers les rues.
Puis j’ai bouclé un bagage
Et suis parti en voyage.
Je suis rentré hier
Dans ces murs qui l’abritèrent.
Quand j’ai repensé à notre vie,
Quand j’ai revu notre lit,
Je n’ai pu rester. J’ai pris mon chapeau,
Ma cape et mes gants de peau
Et me suis rendu au cimetière.
Gravés sur sa tombe de pierre,
Voici les mots que j’ai lus :
« Elle aima, fut aimée et mourut. »
Elle était dessous. Quelle horreur !
Je restai là des heures.
Puis j’eus un désir d’amant :
Rester auprès d’elle la nuit durant.
Je pensai : ’’Ce bourg est bien petit,
Comparé à l’autre où l’on vit !
Les morts sont pourtant
Bien plus nombreux que les vivants !’’
La tombe voisine se mit à bouger.
Le mort enterré là
Soudain se dressa.
Sur son dos il portait
La dalle sur laquelle était gravée :
’’Ici repose François Renan,
Décédé à 61 ans.
Il aimait les siens,
Fut honnête, bon citoyen
Et mourut dans la paix céleste.’’
Le squelette ramassa un silex
Et corrigea : ’’Ici repose François Renan
Connu pour ses duretés.
Il hâta la mort de son père,
Tourmenta sa vieille mère,
Tortura sa femme, ses enfants,
Vola plus de cent mille francs,
Et mourut sans ordinant.’’
Je me retournai
Et constatai
Que les autres morts effaçaient
Les mensonges sculptés
Et rétablissaient la vérité :
Tous avaient été
Hypocrites, menteurs,
Malhonnêtes, calomniateurs.
Elle aussi, avait dû tracer la vérité
Sur son tombeau.
J’y retournai aussitôt.
Elle avait noté :
’’Un soir de pluie,
Elle a trompé son amant.
Elle prit froid en rentrant
Et expira le lendemain dans la nuit.’’