Après Noël, c’est encore Noël. On l’attend depuis des mois et le voilà sorti dans quelques malheureuses salles françaises : 20,000 Jours sur Terre de, avec et sur Nick Cave. Certes, le chanteur australien n’est pas le seul aux manettes puisqu’il est « encadré » par les réalisateurs Iain Forsyth & Jane Pollard. Nous voilà plongé dans l’esprit torturé d’un des plus grands artistes du monde.
Le décompte commence entre images d’archives d’une carrière dense et intense. Ce sera tout ce qu’on verra du passé de Cave d’ailleurs, de manière rapide, bruyante, épileptique, un peu comme si on voulait nous faire un lavage de cerveau. On n’en a pas besoin parce qu’on aime déjà ce personnage si particulier. Mais ce qui nous intéresse n’est pas forcément toutes ces images finalement, mais bien plus ce qui se passe dans la tête du bonhomme.
Il est 7h du matin. Nick Cave a déjà les yeux ouverts dans le lit. Il finit de sortir de la couette, ouvre le volet, qui rappelle la pochette magnifique de Push the Sky Away. Pas étonnant puisque l’histoire se passe avant et pendant l’enregistrement dudit album. Mais, c’est aussi et surtout le 20000e jour sur Terre de Nick Cave. Il est temps de se confesser au monde.
Mi documentaire, mi film « écrit », 20,000 jours sur Terre est un savant mélange de pensées narrées par l’inclassable Cave sur la composition, l’écriture surtout et son passé ; de discussions avec des fantômes de sa carrière (Kylie Minogue et Blixa Bargeld), ou avec son psy Darian Leader. Filmé avec douceur et justesse, la caméra suit l’artiste lors de ses pérégrinations mentales et ses échanges. Les trajets en voiture sont des passages importants et joliment mis en image, comme si finalement, ces apparitions de « fantômes » précités n’ont leur place que lorsque Cave conduit sa voiture dans Brighton, sa ville d’adoption. Des moments de retours en arrière alors qu’il n’a de cesse d’avancer.
Mais bien entendu, on ne peut pas parler de Nick Cave sans parler de sa relation avec la musique. L’écriture est un des fils conducteurs des discussions diverses, tout comme les performances scéniques, et la composition musicale. Et puis, il y a plusieurs Nick Cave : celui qui parle, raconte ; et celui, plus « mystique », qui prend forme sur scène. On assiste d’ailleurs à quelques moments live à nous donner des frissons et nous ramener à un soir de juillet 2013 à Fourvière.
Ne l’oublions pas, ce n’est pas un documentaire comme les autres. Au moment du générique, le « Written by » nous réveille et finalement, on se demande où étaient les « véritables » confessions, les dialogues « écrits ». Les mots sont toujours bien choisis, c’est l’un des talents de Cave. L’autre étant de brouiller les pistes. Mais on s’en fiche de savoir la vérité. Ce qui est important, c’est que cet artiste génial (au sens propre du terme) a trouvé un film à sa hauteur : profond, juste, grand, sec et mystérieux.
A voir d’urgence, même pour les gens qui ne connaîtraient pas l’œuvre du monsieur. Ça pourrait leur donner envie d’en entendre davantage.