Il serait facile de considérer qu'il ne s'agit que d'une nouvelle marotte, mais lorsque le cabinet Gartner évoque l'impératif pour les entreprises de déployer une DSI à 2 vitesses (ou « bi-modale »), il faut se rendre à l'évidence : la révolution numérique exige bien une transformation des organisations informatiques. Reste à trouver la bonne méthode…
Peter Sondergaard, directeur des recherches de Gartner, remettait le couvert dans un récent billet de blog, en insistant sur les dangers qui guettent ceux qui persisteraient à ignorer l'avertissement. La réalité, crue et incontestable, est que les responsables « métier » sont maintenant passés à la vitesse de l'entreprise « digitale » et qu'ils ont donc besoin d'une informatique ultra-réactive et hyper-agile. Si leur DSI n'est pas en mesure de répondre à cette attente, ils vont rechercher des solutions ailleurs.
Les « systèmes de l'ombre » (« shadow IT ») qu'ils vont ainsi mettre en œuvre échappent entièrement au contrôle de l'organisation en place, ce qui peut engendrer des risques immenses à court ou long terme, notamment en matière de sécurité, d'intégration ou de maintenance. Pour répondre à ce défi, le DSI n'aurait d'autre choix que de développer une capacité à offrir les services attendus par leurs clients internes. Il devrait alors porter deux offres : l'une (traditionnelle) basée sur la stabilité et la robustesse, l'autre (innovante) faite de vitesse et de flexibilité.
L'idée semble parfaitement logique et serait même déjà en voie d'adoption : 45% des DSI consultés par Gartner lors d'une enquête déclarent avoir mis en place un mode « accéléré » et les projections porteraient cette proportion à 75% d'ici à 2017. Il n'est cependant pas précisé si les premières versions de ces organisations duales sont efficaces. Or, les exemples que nous donnent les institutions financières – par exemple autour des cycles d'évolution de leurs apps mobiles – n'incitent pas à le croire…
Alors, se pose la question fondamentale : les structures informatiques actuelles et leurs dirigeants sont-ils réellement capables de piloter simultanément deux modèles aussi divergents ? Plutôt que de leur imposer un rôle totalement schizophrénique, ne serait-il pas plus raisonnable de clairement séparer les fonctions correspondantes et les confier à des responsables distincts, sélectionnés pour leur talent à gérer soit la stabilité et la sécurité, soit l'agilité de leurs environnements respectifs ?
Depuis bien longtemps, les DSI se débattent sous la pression qui pèse sur eux de faire fonctionner l'existant sans perturbation, tout en essayant de répondre à une forte demande de porter les nouveaux projets, voire de stimuler l'innovation. L'expérience montre que cette équation est presque impossible à résoudre. Ce n'est certainement pas en la transformant en une exigence d'établir et maintenir un équilibre entre 2 approches radicalement opposées de l'informatique que la solution va émerger.
A l'inverse, les modèles qui réussissent donnent peut-être une réponse plus plausible. Ainsi, que se passe-t-il du côté des startups, en particulier les « néo-banques » ? Ces petites entreprises opèrent exclusivement en mode agile (elles en sont même l'archétype) et elles relèguent la gestion de leurs socles de base à des tiers spécialisés (fournisseurs de cœur bancaire, en particulier). Les établissements traditionnels les plus avancés n'agissent pas autrement lorsqu'ils migrent leurs systèmes critiques vers des progiciels, éventuellement gérés par un partenaire. Dans d'autres cas, l'émergence des directions « digitales » représente parfois une autre incarnation d'une tendance identique.
La clé se trouverait donc plutôt dans une division formelle des responsabilités, permettant d'éviter tout risque de dérive (dans un sens ou un autre). Chacune pourrait être confiée à une personne ayant les compétences optimales pour le rôle qui lui est assigné. En cible, l'entreprise aurait finalement 2 DSI, complémentaires et aussi importants l'un que l'autre, dont le point de contact critique serait celui de l'intégration (qui, en tout état de cause, reste le défi majeur de l'idée même d'informatique à 2 vitesses).