Le ciel a été avalé par le mur blanc devant moi, derrière les vitres, tout est blanc. Le sol semble gelé, enneigé par endroits. Plus de paysage, plus de dimension, juste un mur blanc, absorbant tout sur son passage, sous ses flocons, même les bruits, plus de voitures, de rares passants. Je reste là, stupéfaite, assommée par ma nuit impossible.
Libre pourtant du poids d'une relation qui partait en vrille, qui me donnait des maux de têtes, me perturbait. Je l'ai quitté, il est parti, penaud mais conscient de ses fautes, de mes essais répétés pour oublier, pour effacer. Mais ce n'était plus possible, plus vivable, surtout lorsque l'on veut construire une vie autre que celle de gentils sexfriends. Je voulais un couple, pas un ami, pas une aventure, mais un futur mari, du moins un compagnon.
Là, entre deux fêtes, entre familles et amis, je suis sous ma couette, encore en pleine réflexion pour savoir si il fallait tout lui dire, lui pardonner encore, lui dire de rester, lui dire mon amour pour lui, lui dire de partir, de ne plus jamais revenir. Tout se mêle et plus encore s'emmêle en moi, j'ai la nausée, je ne suis plus moi sans lui. Il me manque et pourtant j'ai coupé cette partie pourrie, sans vie, non compatible avec mes pensées et mes émotions.
Dans le froid, j'ai posé sa valise sur le palier, ses dernières affaires devant l'ascenseur, j'ai fermé la porte. Je ne l'ai pas vu, remonter pour prendre le reste, c'était déjà un point final, une affaire finie, classée, rangée dans mon esprit. Du moins je le croyais hier. Et ce matin, les mouchoirs me semblent bien loin pour effacer ce mur blanc devant moi.
Suis-je moi sans lui ?
J'ai dû mal à me retrouver, sans son regard, sans sa chaleur le matin, je glisse sous la douche, son gel douche est encore là, je le jetterai. Plus rien de lui, je savoure l'eau chaude et dehors, le brouillard devient neige froide, épaisse et sourde. Seul le bruit de l'eau, ma peau en contact, moi que je ressens à l'intérieur, ma serviette, la douceur. Je me maquille, ce trait d'eye-liner qui me donne ces yeux de biche, je veux être la même, je rate, une fois, deux fois. Pourquoi ?
L'ombre, une présence, plutôt une non-présence qui m'intimide, un monde nouveau, celui du célibat, de la séduction, mais avant surtout des questions sur les fêtes, sur Noël, les cadeaux et ton ami, sa famille, les derniers jours. Aucune envie de leur dire, c'est un nouveau vide, c'est rien à la place d'un tout établi à leurs yeux, je suis juste moi. Comment l'expliquer, comment ne pas le justifier, comment juste l'annoncer entre deux gobelets de mauvais café ? Je me vois un peu flou dans ce miroir, un peu moi, un peu marquée par ce choix. Le mien, pour nous.
Et puis finalement, je prends une robe, non un pull sur un long tee-shirt très confortable, un pantalon épais sur un collant, il fait froid dehors. Je pense à moi, à mon corps, à ses mains qui ne seront plus là sur moi, ni ce soir, ni demain, mais les miennes, ma peau. Mes boucles d'oreilles, un plaisir, un peu de mon identité, je relève mes cheveux, je regarde encore le blanc extérieur, je suis bien. Le soleil est derrière, j'enfile mon manteau, une doudoune avec de la fausse fourrure autour de ma tête, un cocon, une carapace.
Je bois mon thé, je pense à moi, soudain à lui, une dernière fois, je reviens à moi, à l'heure de partir.
Nylonement