{Gilles}
Batman : Dark Detective
Origine : États-Unis
Auteur : Steve Englehart
Dessinateurs : Marshall Rogers, Walt Simonson, Sal Amendola, Javier Pulido
Genre : Action/Policier/Super-héros
Nombre de pages : 336
Date de sortie : 31 octobre 2014
Éditeur : Urban Comics
Prix : 28€
Le Pitch :
Le Chevalier Noir vit des heures sombres. Gotham City vient d’ouvrir la chasse à la chauve-souris. Déclaré persona non grata par les autorités de la ville, Batman doit de plus combattre le redoutable Docteur Phosphorus et toute une escouade de super vilains bien décidés à en finir avec lui, parmi lesquels le fameux Joker, de retour, et plus machiavélique que jamais, accompagné par le Pingouin.
Dans cette lutte aux multiples visages, Bruce Wayne pourra néanmoins compter sur la belle Silver St Cloud, à laquelle il s’attache d’emblée. Une relation qui n’est pas sans le perturber…
La Critique :
Quand on cause comics, que l’on soit davantage Marvel ou DC, un nom revient régulièrement et rime irrémédiablement avec qualité et inspiration. On parle ici de Steve Englehart. Un scénariste qui fit ses armes chez Stan Lee, en écrivant les aventures de Captain America, des Avengers, ou encore de Doctor Strange. Déjà populaire pour l’incroyable richesse de ses idées uniques, Englehart repousse les limites de la narration et finit par se mettre à dos l’éditeur en chef de Marvel. DC Comics lui fait les yeux doux et tout naturellement, c’est à la porte du manoir Wayne que l’écrivain va frapper. Batman et Steve Englehart s’entendent à merveille et les épisodes de Dark Detective qui résultent du travail de l’américain sur le Chevalier Noir de souvent se retrouver en tête des différents classements réunissant les meilleures aventures du justicier créé par Bob Kane. À ce jour, bien qu’il multiplie les œuvres, que ce soit dans le monde de la bande-dessinée ou dans celui de la littérature non illustrée, Steve Englehart reste associé à Batman, et c’est en toute logique, grâce à son incroyable travail, qu’il a gagné ses gallons, associant son nom à celui de l’alter ego de Bruce Wayne dans l’inconscient collectif des amateurs.
La sortie chez Urban Comics de ce Batman : Dark Detective constitue en soi un événement de taille pour tout les fans du personnage. Représentant la quintessence de la plume de son auteur, ce recueil, qui réunit deux époques, illustre en outre une somme de petites révolutions, responsables à plus d’un titre de l’évolution du comic book. Un fait particulièrement visible ici quand on passe de la première époque (1974) à la deuxième (2000).
La première partie instaure notamment une nouveauté notable, à savoir la continuité du récit. Jusqu’alors indépendants, les comics suivent ici une trame qui s’étalent sur plusieurs numéros, comme par exemple l’affrontement avec le Docteur Phosphorus, dont les conséquences marquent d’une façon ou d’une autre Batman dans les comics suivants. La dynamique s’en retrouve ainsi chamboulée et prend une forme feuilletonesque que l’on retrouve par contre très couramment aujourd’hui.
Caractérisé par une tonalité crépusculaire, Dark Detective place Batman dans une situation inconfortable. Gotham City se retourne contre son plus fervent protecteur et en fait l’ennemi public numéro un. La condition même du super-héros est mise à mal, et Bruce Wayne doit plus que jamais redoubler d’efforts pour jouer avec brio sur les deux tableaux. Plus que jamais, Batman se transforme, une fois la nuit venue en fantôme évoluant parmi les ombres d’une cité devenue inhospitalière.
Les méchants de leur côté, qu’ils soient très connus (le Joker, le Pingouin…) ou plus obscurs (le Docteur Phosphorus) enfoncent encore un peu plus le clou et font de ses deux récits, réunis de manière on ne peut plus pertinente par Urban Comics (la seconde partie peut (doit?) être considérée comme la suite directe de la première), des monuments du genre véritablement indispensables.
Côté dessins, là aussi Dark Detective propose plusieurs facettes de Batman, cristallisant en quelque sorte son identité graphique, via le boulot d’une poignée d’illustrateurs particulièrement représentative du style qui permit au personnage d’acquérir son identité visuelle auprès de ses fans et plus généralement de l’inconscient collectif de la culture populaire contemporaine.
C’est Sal Amendola qui ouvre le bal avec une courte histoire introductive, dont le principal mérite est d’aller directement à l’essentiel en donnant le ton. Le style Amendola est lui aussi très direct et percutant. Privilégiant l’action, il fait montre d’une modernité probante, tout en conservant certains réflexes résolument vintage. Vient ensuite Walt Simonson, pour ce qui est de l’arc narratif consacré à Phosphorus. Sympathique, bien que parfois un peu grossier (tout spécialement pour ce qui est de Phosphorus justement), son trait traduit lui aussi une urgence palpable, même si c’est lorsque Marshall Rogers prend la main que les choses sérieuses commencent vraiment. Tout ceci étant avant tout une question de goût bien entendu.
Le truc, c’est que Rogers semble vraiment taillé pour Batman. Ses planches sont magnifiques. Les détails, hallucinants offrent à l’histoire et à ses personnages une profondeur assez remarquable, tandis que l’action, gagne elle aussi en puissance, offrant un écrin de choix à la plume de Englehart. C’est d’ailleurs Rogers qui se taille la part du lion dans cette première partie.
Le second acte, datant de 2000, est illustré par Javier Pulido, et tranche franchement avec la patte old school de la première partie. Particulier et résolument moderne, le trait de Pulido précède le retour aux affaire du génial Rogers, qui ne lâchera pas les commandes, amenant le récit à sa conclusion et prouvant, au fil des numéros présentés ici sa formidable capacité à faire évoluer son style, tout en en conservant la moelle substantielle.
Trésor en forme d’incontournable, Batman : Dark Detective est un « must have ». Un vrai de vrai. Le fan trouvera largement matière à jubiler et saura reconnaître là le génie qui caractérise la majorité des vignettes compilées et le néophytes saura apprécier l’ouvrage comme une parfaite porte d’entrée.
@ Gilles Rolland