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La magie des mots, par Francesca Tremblay…

Publié le 27 décembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

 Il était une fois, un flocon de neige qui descendit du ciel…

 Un soir de décembre, quelques jours après le Saint Anniversaire, la neige tombait

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lentement sur les toits des maisons et des voitures, faisant ombrage à la lumière qui s’efforçait de rappeler aux passants le chemin à suivre pour rentrer chez eux. Les immenses flocons tombaient comme dans une boule de verre que l’on aurait secouée dans tous les sens, semant une tempête silencieuse.

 Je me souviens de cette nuit comme si c’était hier. Le grand pin aux cocottes gelées caressait de ces longues branches aux plumes vertes les carreaux de ma fenêtre givrée. La solitude avait coutume de me faire frissonner et j’observais avec envie les voisins festoyer en famille. Je n’étais plus toute jeune, mais je persistais à croire en cette étoile qui brillait tout là-haut, derrière les ciels bas d’une nuit enneigée. Le cœur rempli d’espoir et de folie, j’avais fait un souhait étrange. En regardant le ciel, mon cœur s’emballa juste à la pensée d’avoir été mère. Mon vœu était d’autant plus impossible qu’absurde, puisqu’à mon âge, on ne pense plus au temps que l’on a devant soi. On pense plutôt à celui qui nous a filé si vite entre les doigts. Je demandai à ce bon vieux bonhomme barbu, qui la veille était descendu du ciel, un cadeau qui ne se place hélas pas sous le sapin. Un cadeau qui apaiserait mes tremblements d’un sourire. Cet enfant que je n’avais jamais eu… Ah oui ! J’ai prié aussi fort que pouvaient l’être les verres de whiskey de mon Irlandais de mari, Dieu ait son âme ! Et je me surpris à rire de moi. « Quelle folle ! fis-je, agenouillée à la fenêtre, mains jointes pour prier. Un enfant qui tomberait du ciel ! » En me relevant, la chanson de mes vieux os me rappela que la seule chose que j’avais gagnée avec les années, c’était de l’âge.

 Mon défunt mari et moi n’avions pas eu la chance de voir une marmaille pleine d’espérance et de joie descendre quatre à quatre les escaliers, lors des matins de Noël, afin de déballer ces cadeaux que nous n’achetions en fait que pour remplir ce vide autour de nous.

 Soudain, un bruit me fit revenir à la réalité. On frappait à ma porte. Hésitante, je refermai les pans de mon peignoir et j’allai tout de même vérifier. Quelle ne fut pas ma surprise de voir derrière cette porte un garçon emmitouflé dans une épaisse pèlerine grise !

 

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Je jetai un coup d’œil aux alentours, pour voir si quelqu’un l’accompagnait, mais il semblait seul. Son visage était blanc comme le lait et ses joues rouges comme les pommes en automne. Il ne semblait pas frigorifié et j’en fus étonnée, car cette nuit-là, la fumée des cheminées dansait très bas sur nos têtes. Sur la galerie et les marches d’escalier, il n’y avait ni traces de pas ni l’ombre d’un père ou d’une mère. Cet enfant devait avoir été abandonné et errait dans les rues, à chercher quelque chose à se mettre sous la dent. Quelle horreur ! Un enfant ne devait pas avoir à emprunter de tels chemins de vie. Entendre miauler les chats errants sur le pas de ma porte pour quêter une arête de poisson me retournait, inutile de dire comment je me sentais devant cet enfant qui venait de nulle part. Je le pressai d’entrer et refermai la porte derrière lui.

 Comme il était beau ce petit ange qui me regardait. Ses grands yeux bleus me fixaient comme si le ciel avait choisi cette couleur parce qu’il l’avait regardé, lui aussi. Il semblait voir très loin en moi. Ce regard étincelant me fit croire que l’âme de ce garçon était bien plus vieille que je ne le croyais. Presque aussi vieille que le monde lui-même. Émerveillée, un sourire naquit sur mes lèvres.

 Je lui apportai une couverture pour apaiser la morsure du froid. Lorsque je revins avec la courtepointe de ma mère, sa petite bouche vermeille me gratifia d’un merveilleux sourire.

 Je l’aidai à se dévêtir. Quand je fis choir son capuchon, de blancs cheveux hirsutes apparurent. Quel drôle de couleur pour un enfant qui ne devait pas avoir plus de cinq ans ! Assis près du foyer, je lui posai un tas de questions qui restèrent, malgré mon insistance, sans réponses. Il continuait de me regarder. Ses courts cheveux blancs, ébouriffés, le rendaient adorable. J’ai bien vu qu’il ne comprenait pas un traitre mot de ce que je lui disais ! Soudain, son attention fut détournée. Médusé, il observait les décorations de Noël qui scintillaient, passant du rouge au bleu et du rose au jaune. Dans le but de lui délier la langue, et pensant bien faire, tandis qu’il scrutait les petits soldats accrochés aux branches du sapin, je lui préparai quelques bons biscuits faits la veille et un grand verre de lait chaud. Il devait mourir de faim. J’avais été bête de ne pas y avoir songé plus tôt.

 Lorsque je revins au salon avec le plateau de victuailles, je fus étonnée de constater son absence. Je l’appelai dans toutes les pièces de la maison en le surnommant : « garçon », puisque son prénom m’était inconnu. Aucune trace du petit bonhomme. Peut-être était-il reparti ? En ouvrant la porte, je ne perçus que l’épais tapis de neige.

 Le vide en moi me hurlait sa présence à nouveau.

 Lorsque je me suis assise à la place qu’il occupait quelques instants plus tôt, je constatai que mes pantoufles étaient humides. Mes pieds barbotaient dans une flaque d’eau. Je me souviens d’avoir levé les yeux vers le plafond pour découvrir la provenance de cette eau. Je ne trouvai pas de réponses à l’existence de cette mare près du foyer. Jusqu’à il y a quelques années. La réponse m’apparut alors aussi évidente que le nez au milieu de la figure.

 Aujourd’hui, le vieux pin gratte toujours à la fenêtre de ma chambre, comme un chat à la porte pour entrer. Alors que ma vie s’achève, chaque Noël, je pense encore à cet enfant qui est entré dans ma vie. Je crois que l’on exauça mon vœu ce soir-là. Je crois aussi avoir rencontré le plus magnifique flocon de mon existence et, depuis, le souvenir de son sourire me réchauffe l’âme.

 Il était apparu dans ma vie, un soir de décembre, tel un brin de neige qui se dépose

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sur le bout du nez. Sans prévenir. La magie de Noël a su raviver ce cœur qui n’avait pas aimé depuis des années. Je souhaite, à tous ceux qui espèrent, un tel instant de magie, aussi fugace peut-il être. Les cœurs sont plus tendres lorsqu’à la vie on demande.

 Cette nuit-là, étendue sur le grand lit, la vieille femme fit un dernier souhait.

Tandis que les étoiles brillaient dans le firmament, ses paupières se fermèrent à jamais.

Il était une fois deux flocons de neige qui s’élevèrent vers le ciel, prenant la route qui mène vers l’éternel.

NOTICE BIOGRAPHIQUE

chat qui louche maykan alain gagnon francophonie
En 2012, Francesca Tremblay quittait son poste à la Police militaire pour se consacrer à temps plein à la création– poésie, littérature populaire et illustration de ses ouvrages.  Dans la même année, elle fonde Publications Saguenay et devient la présidente de ce service d’aide à l’autoédition, qui a comme mission de conseiller les gens qui désirent autopublier leur livre.  À ce titre, elle remporte le premier prix du concours québécois en Entrepreneuriat du Saguenay–Lac-Saint-Jean, volet Création d’entreprises.  Elle participe à des lectures publiques et anime des rencontres littéraires.

Cette jeune femme a à son actif un recueil de poésie intitulé Dans un cadeau (2011), ainsi que deux romans jeunesse : Le médaillon ensorcelé et La quête d’Éléanore qui constituent les tomes 1 et 2 d’une trilogie : Le secret du livre enchanté.  Au printemps 2013, paraîtra le troisième tome, La statue de pierre.  Plusieurs autres projets d’écriture sont en chantier, dont un recueil de poèmes et de nouvelles.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)

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