"La cécité aux inégalités sociales condamne et autorise à expliquer toutes les inégalités, particulièrement en matière de réussite scolaire, comme inégalités naturelles, inégalités de dons".
Bourdieu Les Héritiers (1964)
Il y a parfois des séquences curieuses qui viennent dresser des ponts entre des instantanés diachroniques. Alors que je parlais de Professeur exceptionnel et de transmission, alors que je me suis souvent ici intéressée aux hussards de la République et aux problématiques de reproduction sociale, un film hier soir est venu encore plus creuser cette conviction: l'égalitarisme à tout prix n'est qu'un leurre: tant qu'il y aura des inégalités, on ne pourra pas parler d'égalité.
http://lexilousarko.blog.fr/2014/12/21/quand-un-professeur-s-en-va-19874804/
http://lexilousarko.blog.fr/2008/04/06/pour-une-societe-du-minimum-l-education--4003771/
http://lexilousarko.blog.fr/2008/09/26/l-ena-le-mal-fran-ccedil-ais-4785125/
La France est schizophrène, elle idolâtre la République mais élit un Président monarque. Elle inscrit sur son fronton l'égalité mais l'instituteur ou le maire savent trop bien que dans la réalité d'une classe ou d'un territoire n'est pas la même à d'une ville à l'autre.
Mais paradoxalement, on a fait fi au nom de l'universalité de ces différences: l'élève républicain est un et indivisible. Démocratisation de l'éducation et de l'enseignement supérieur, massification des élèves: tout fut fait pour encourager et illustrer cette méritocratie à la française, celle par exemple de voir un ouvrier devenir premier ministre.
http://lexilousarko.blog.fr/2009/05/02/pierre-beregovoy-un-homme-honnete-6045075/
Mais ces destins semblent de moins en moins nombreux: l'ascenseur social est bloqué et même si quelqu'un s'en sortent "parce qu’ils prennent l'escalier", combien sont ceux qui restent au bord de la route.On me parlera d’efforts à faire, de sacrifices pour s'extraire de sa condition sociale. Ils sont nécessaires mais sans doute insuffisants.
Car la grande hypocrisie du système éducatif français, c'est de laisser croire à l'égalité des chances quand le socle de départ est bancal. On crée donc des classes européennes et des classes préparatoires aux grandes écoles pour différencier les "meilleurs" et les autres: on retrouvera dans ces classes beaucoup d'enfants de cadres mais peu d'enfants d'ouvriers et d'agriculteurs.