C’est par facilité de classement que j’attribue Les Soirées de Médan à Emile Zola puisqu’en fait il s’agit un recueil collectif de nouvelles, publié en 1880. Six textes rédigés par six auteurs différents. Trois écrivains très célèbres aujourd’hui et trois autres dont j’avoue ne pas connaitre l’existence : Emile Zola (L’Attaque du moulin), Guy de Maupassant (Boule de suif), J.K. Huysmans (Sac au dos), Henry Céard (La Saignée), Léon Hennique (L’Affaire du Grand 7) et Paul Alexis (Après la bataille).
Vous avez tous lu du Zola et du Maupassant, particulièrement ce Boule de suif, texte paru ici initialement et qui lancera la carrière de l’écrivain. J’espère que Huysmans ne vous est pas étranger – mais j’en suis moins certain – ce qui serait dommage car il ne faut pas passer à côté de romans comme Là-Bas, En route et A rebours avec son héros emblématique, dandy décadent et esthète, des Esseintes. Les lecteurs plus avertis se risqueront peut-être dans La Cathédrale, un roman plus complexe par son érudition et son aspect mystique. Des trois autres je ne savais rien et n’avais rien lu. Ils sont tous romanciers, poètes, auteurs dramatiques et critiques littéraires et leurs œuvres plutôt minces.
L’origine de ce recueil n’est pas clairement établie. Les six écrivains avaient l’habitude de se réunir chez Emile Zola – d’abord dans son appartement parisien puis à Médan dans les Yvelines - pour dîner et discuter littérature dès 1876 et compta même pendant un certain temps un septième membre, Octave Mirbeau, que son éloignement de Paris, en 1877, après sa nomination comme sous-préfet de Saint-Girons (Ariège), freina dans de probables collaborations futures. C’est au cours d’une de ces soirées que naquit l’idée de ce recueil, pour certains elle reviendrait à Emile Zola pour d’autres à Léon Hennique et le titre du bouquin à Henry Céard, toujours est-il qu’il fût publié sous le patronage d’Emile Zola qui avait une plus grande notoriété que les autres.
En exergue au recueil, Zola écrit que ces nouvelles « nous ont paru procéder d’une idée unique, avoir une même philosophie : nous les réunissons. » Il est bien vrai que les six nouvelles ont un point commun, elles se déroulent toutes durant la Guerre de 1870 contre les Prussiens et en dénoncent, par des faits vus par le petit bout de la lorgnette, les bassesses et l’ignominie, ces travers communs à toutes les guerre. Boule de suif, la prostituée mais vraie patriote qui se donnera à un officier prussien pour sauver les petits bourgeois qui la méprisent et voyagent avec elle dans une diligence (Maupassant) ; La maîtresse du général d’Etat-major de Paris assiégé, courtisane écervelée qui découvrira suite à sa déchéance, la réalité tragique de la guerre d’occupation (Henry Céard) ; La médiocrité soldatesque qui tuera et ravagera le bordel du village où ils sont cantonnés pour venger l’un des leurs, tué sans qu’on sache très bien pourquoi et par qui (Léon Hennique)…
Si Boule de suif est évidemment le plus beau texte de ce recueil, j’avoue avoir été séduit par La Saignée d’Henry Céard, son écriture somptueuse où la virgule triomphe, créant des points de scansion rythmant superbement les phrases en bouche. Pour les jeunes générations, une bonne approche de la littérature du XIXème siècle et pour les autres une bonne occasion pour s’y ressourcer.
Emile Zola Les Soirées de Médan Grasset Les Cahiers Rouges – 239 pages –