L’Armée du Salut // De Abdellah Taïa. Avec Saïd Mrini et Karim Ait M’Hand.
Jouant la carte de la confusion des sentiments, L’Armée du Salut est un film qui a le mérite de parler de quelque chose d’assez beau mais de façon peut-être un peu trop maladroite. Disons que l’histoire est assez difficile mais disons que l’idée qu’un jeune garçon soit amoureux de son propre frère, c’est tout de même assez intriguant au premier abord. Le film aborde tout un tas de sujets, notamment la place du français à Casablanca et le fait qu’il s’agisse d’une langue qui peut permettre à des gens comme Abdellah de sortir de son pays et de vivre une vie plus confortable ailleurs. Cela pose aussi le problème de la vie dans ce pays où certains ont baissé les bras et d’autres ont simplement l’envie de s’en sortir. L’Armée du Salut aurait pu être un film magnifique, notamment pour le constat social et la place de l’homosexualité dans cette société (à base d’hommes mariés qui vont trouver leur bonheur chez des petits jeunes comme Abdellah qu’ils pourront récompenser d’une pastèque par exemple). Sauf que ce qui aurait pu fonctionner ne fonctionne pas toujours et le scénario devient très rapidement confus, étrange sans parvenir à aller au bout de ce qu’il peut dénoncer ou exposer.
Dans un quartier populaire de Casablanca, Abdellah, adolescent homosexuel, essaie de se construire au sein d’une famille nombreuse, entre une mère autoritaire et un frère aîné qu’il aime passionnément.
Le parti pris de Abdellah Taïa n’est pas bête et permet de se pencher sur l’homosexualité dans un pays où cela reste quelque chose de très mal accepté mais plutôt que de creuser cette question, le film n’a de cesse de faire des aller retour et de tenter l’exercice du contemplatif sans parvenir à réellement surprendre. Pour faire un bon film silencieux, il faut que les images que l’on voit à l’écran soient parlantes et malheureusement ce n’est jamais ce que l’on a réellement. Le film enchaîne tout un tas de choses, entre les problèmes familiaux du héros, sa relation avec son frère qu’il n’arrive pas à sortir de lui et puis ses plans culs qui semblent plus contraints et forcés que réellement là pour créer une forme de plaisir en lui. Si seulement il couchait pour se faire plaisir alors L’Armée du Salut aurait probablement une toute autre signification. Le plan cul n’est pas quelque chose de nécessaire dans la vie d’un homme comme Abdellah. Certes il cherche son frère à chaque fois qu’il couche avec quelqu’un qui pourrait en partie lui ressembler. Il imagine alors coucher avec lui mais ce n’est pas suffisant et encore moins quelque chose qui permet réellement au message de sortir du lot.
L’homosexualité n’est pas pour autant instrumentalisée. Disons qu’elle n’est pas forcément ce qu’il y a de plus important dans L’Armée du Salut non plus. La façon dont l’histoire évolue reste tout de même assez intéressante. Notamment quand Abdellah se transforme et que l’on peut suivre le personnage à un âge un peu plus avancé. On va découvrir qu’il est finalement devenu une sorte d’homme que l’on peut manipuler à cause de son homosexualité (le fait de payer le triple car il a des petits amis étrangers, etc.). J’aurais aimé avoir beaucoup de compassion pour le héros et adorer ce film mais étant donné que ce dernier ne réussi que très peu de choses, on se demande bien où est-ce que L’Armée du Salut veut bien aller. Le côté militant du film passe complètement à côté de la plaque, encore une fois à cause du scénario qui manque cruellement de forces et peut-être aussi de sagesse. Car on sent que le film tente des choses mais qu’il ne va pas vraiment au bout de ce qu’il tente de mettre en place. Rapidement le héros devient une sorte de pantin que le film trimballe de scènes en scènes avec plein d’idées dedans mais mal arrangées.
Note : 4/10. En bref, malgré quelque chose de solide, L’Armée du Salut manque cruellement d’une consistance que le scénario semble se donner en apparence mais qui le fond, assez creux, brise complètement.
Date de sortie : 7 mai 2014