Flèche est un petit malin. Et comme tout esprit malin, il ruse, il met en doute, il parlemente, il teste et il conteste. Pour le convaincre, il faut user de trésors d'imagination; et c'est souvent en désespoir de cause, quand je sors l'argument le plus improbable que le déclic se produit.
Flèche a très vite compris à quoi sert le pot. Avant 2 ans il allait régulièrement faire son petit pipi avant le coucher, pourtant ni la nouveauté de porter un slip, ni le fait "d'être un grand", ni la fierté de ses parents devant l'exploit, ou la comparaison avec les autres copains de la crèche qui ne mettaient plus de couche ne l'ont décidé à renoncer à son sacro-saint pampers. Il avait bien compris que mettre un slip comportait un risque et il préférait éviter l'accident. La vieille méthode d'attendre l'été pour le laisser se balader cul nu ou en slip dehors pour qu'il comprenne tout seul comment ça fonctionne en se faisant pipi sur les chaussures sous-entend 1. Que l'été ne soit pas complètement pourri et qu'on puisse mettre les enfants dehors cul nu sans risque immédiat de pneumonie 2. Que l'enfant prenne plaisir à ne pas avoir de couche et apprécie de se balader les fesses à l'air. Les conditions 1 et 2 n'étant pas remplies, nous sommes arrivés à l'automne et à la veille de ses 3 ans et rien n'avait changé.
Parfois les mères sont connes. Souvent elles laissent les sirènes chanter: "le mien faisait ses nuits au retour de la maternité", "les nôtres ont marché à 9 et 10 mois", "la mienne était propre jour et nuit à 18 mois", "le notre récitait les jours de la semaine à 2 ans", mais parfois on aimerait bien ajouter son petit refrain à la chanson des louanges. Une mère un tant soit peu instruite sait que l'enfant vient à la propreté à son rythme, mais elle espère secrètement que son enfant y viendra rapidement et facilement. Il suffit que le pauvre môme passe le stade limite, théorique et complètement arbitraire que sa maman s'était fixé comme "l'âge pour être propre, nan mais quand même, ou bien?" et le voilà condamné à avoir sa mère sur le dos jusqu'à ce que ça soit fait.
Je devais inconsciemment avoir noté 3 ans comme "âge limite pour être propre, nan mais quand même, ou bien?", et telle la mère qui se passe le chant des sirènes en boucle sur le MP3, j'ai commencé à inventer des stratagèmes pour arriver à cette terre promise de la propreté. Ce qui me faisait enrager, c'est que ce miston de Flèche maitrisait très bien l'art du "retenir" ainsi que celui du "lâcher tout", il n'avait simplement pas décidé de se lancer sans filet.
Je me suis alors transformée en véritable spot publicitaire pour les slips: "avec un slip tu peux courir plus vite", "avec un slip tu fais pipi comme les grands (variante b: comme papa)", "un slip c'est joli, regarde celui-ci avec le ballon de foot, et celui-là avec les outils" (ben oui, on s'attendait quand même pas à trouver Barbie sur un slip de mec, et pourtant, ça pourrait bien arriver, avec l'égalité des chances et tout le bazar, on n'est à l'abri de rien).
A court d'argument, j'ai un jour lâché que tous ces jolis slips, dans son tiroir, ils devaient être bien tristes de ne servir à rien, eux dont le seul but est d'habiller ses petites fesses, j'ai même feint de les entendre pleurer, et pire (mais n'allez pas le répéter) j'ai imité le cri du slip triste dans un tiroir. Et je dois avoir un talent fou parce qu'attendri par la tristesse de ses slips désœuvrés, Flèche s'est enfin décidé à abandonner sa couche.
Je vous encourage donc fortement à essayer la complainte du slip triste. Bon le hic avec les "trucs miracles", c'est qu'ils tiennent effectivement du miracle. D'ailleurs un an plus tard, les slips de Titours ont eu beau gémir et se lamenter dans leur tiroir, ça n'a eu aucun effet.

Quand Flèche s'est cassé une dent, un peu avant ses 3 ans, le dentiste nous avait déjà mis en garde. Il fallait arrêter de sucer ce pouce tout de suite. Mais ce dentiste, qui était sans doute un piètre imitateur du cri de la dent de traviole dans une broche métallique, n'a pas réussi à convaincre mon fils. Et les rappels du genre "le dentiste a dit qu'il fallait arrêter ce pouce si tu ne veux pas avoir un appareil plus tard" n'ont pas eu plus d'effet. Râââââhhhhhh mais bien sûr sussure la psychologue qui est en moi, la clé du succès n'est jamais la menace mais le RENFORCEMENT POSITIF. Que dalle, en fait c'est le jour où j'ai appris à Flèche que sa cousine d'un an et demi son ainée, qui a eu la visite dentaire scolaire, aura besoin d'un appareil dentaire à cause du pouce; c'est ce jour-là qu'il a décidé d'arrêter le pouce et de laisser Meuh-meuh au lit toute la journée, d'ailleurs cette paresseuse n'attendait que ça! Et là en quelques semaines c'était bon, sans même que j'intervienne avec un imitation minable et improbable. Bon je n'oublie quand même pas le renforcement positif qui a lui aussi fait ses preuves dans d'autres circonstances: Flèche sait que cet exploit sera récompensé à la hauteur de l'effort fourni, et faites chauffer la carte de crédit!


...ça laisse songeur...