Magazine Politique

Ce que les bancs grillagés d'Angoulême disent de notre société.

Publié le 26 décembre 2014 par Leunamme

Oui, la décision de la municipalité d'Angoulême d'entourer des bancs de grillages pour que les SDF ne puissent plus s'y installer est choquante, mais elle est tellement représentative de la déshumanisation de notre société.

Ces grilles sont choquantes et heureusement elles ont troublé un grand nombre de nos concitoyens. Mais si celles-ci ont provoqué un tollé gageons que les suivantes, que d'autres édiles bien intentionnés ne manqueront pas d'installer, ne soulèveront pas autant d'indignation tant il est vrai que l'on fini par s'habituer à tout, même au pire. Qu'à cela ne tienne, pour l'instant beaucoup de gens se sont insurgés. En cela, ils ont réagi en citoyens. Je suis sûr qu'à mon instar, beaucoup plus que le bruit et les nuisances qu'ils font, c'est le fait que des hommes et des femmes soient contraints de dormir dehors en plein hiver qui les choque. Parce que pour moi comme pour eux j'espére, c'est la pauvreté et la misère qui est un scandale, pas la déchéance et la gêne pour les autres qu'elle entraîne parfois.

Seulement voila, si la mairie d'Angoulême a agi ainsi, c'est à la demande de commerçants et de riverains. Ceux là ne voient plus l'autre comme leur égal mais uniquement par les nuisances qu'ils leur font ou qu'ils craignent qu'on puisse leur faire. Le pauvre les gêne parce qu'il les renvoie à leurs propres manques, à leurs propres peurs, à leurs propres angoisses. Ainsi le SDF n'est plus un être humain égal en droits et devoirs, mais uniquement un pauvre dont ils ont peur et qu'il faut cacher. En cela, ils ont choisi de ne plus réagir en citoyen conscient de la nécessaire solidarité pour qu'une société puisse continuer à vivre en harmonie, mais en tant que simples individus en proie à leurs peurs et à leurs fantasmes. Les grilles d'Angoulême sont donc une nouvelle manifestation de l'individualisation forcenée de notre société.

Cependant, il y a peut-être pire. En effet, derrière tout cela, il y a ce qui n'est pas dit, ce qui ne peut pas encore, et heureusement, être avoué. Ce n'est pas un hasard s'il s'agit ici d'un quartier commerçant, très fréquenté en cette période de Noël. Ces SDF, c'est d'abord et avant tout le commerce et la tranquillité de la société de consommation qu'ils viennent gêner. Il faut donc les cacher pour pouvoir continuer à consommer, à dépenser l'argent qu'eux n'ont pas. Leur place ne peut pas être en centre-ville puisqu'ils n'ont pas de pouvoir d'achat. Soyons en sûrs, les mêmes bancs installés dans une cité éloignée du centre n'auraient jamais vus de grilles les entourer.

Les riverains, les commerçants, le Maire, ont donc agi en individus apeurés, mais d'abord et surtout en consommateurs. Voila qui est inquiétant ! Une société où le commerce, la loi du marché guiderait tout, même les endroits où les plus indigents d'entre nous ne doivent pas aller, alors cette société pour continuer à consommer est capable de tout, même d'accepter un pouvoir autoritaire. Ce que nous dit l'affaire d'Angoulême, c'est que certains dans ce pays sont désormais prêts à accepter de voir certaines libertés restreintes, pourvu que ce ne soit pas les leurs, pourvu qu'on leur cache ce qu'ils ne veulent pas voir.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Leunamme 1306 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines