Combler avec du déjà-vu
Peter Jackson est un peu l’élève ne savait pas comment terminer sa copie. Ou plutôt qui a eu l’ambition d’un plan en trois parties à la manière du Seigneur des Anneaux. Alors que la première trilogie est une adaptation de trois livres différents; Le Hobbit ne compte qu’environ 300 pages à adapter à partir d’un seul et unique ouvrage. Le problème majeur de Le Hobbit 3 est d’avoir brodé bien plus que d’avoir organisé un récit.
La sensation finale forme un paradoxe. A la fois, nous ne sommes pas devant une suite : les 10 premières minutes du long-métrage reprennent immédiatement le récit inachevé de Le Hobbit 2 : La désolation de Smaug. Après quoi, l’introduction qui est plutôt une promesse commerciale de ce qui devait arriver, confirme l’écran-titre « Le Hobbit : La Bataille des Cinq Armées ». En même temps, il faut justifier ce statut d’épisode final. On se dit qu’en 2h20, il était indispensable de le narrer, que l’intérêt s’avère si conséquent qu’il permettait de créer une suite. Finalement, le scénario reste sur ses acquis, dépasse le temps qui lui est imparti pour laisser soigneusement des questions en suspens et remettre au devant de la scène de nombreuses évidences déjà perçues dans les précédents épisodes. On ne jette pas la pierre à un ou deux flashbacks nécessaires mais les répétitions (Attitude de Thorin); les échanges de banalités (Tauriel et le roi Elfe sur l’amour …) et les dialogues assez creux (« Ne me le cassez pas! », Gandalf, à propos de Bilbon) sont légions. Trop pour ne pas comprendre qu’au lieu de 2h20 et de zones d’ombres laissées artificiellement pour une version longue, Le Hobbit La Bataille des Cinq Armées aurait pu être bouclé en bien moins de temps. Mieux encore : être inclus ou synthétisé dans les deux autres réalisations.
La reprise d’Erebor n’est pourtant pas un récit dénué d’intérêt. Il est simplement maladroitement proposé …
Le grand défaut scénaristique de La Bataille des Cinq Armées consiste à se disperser. Tellement et à un tel point que, ce qui était intéressant de prime abord passe au second plan. Cela est dû à des coupes conséquentes dans le récit, (Comment expliquer que Legolas et Tauriel soient quasi au Nord de la Carte et reviennent, 2 scènes plus tard, à cheval sans plus de détails?) un intérêt pour le spectacle bien plus que pour les dynamiques du scénario (L’anneau est quasi éclipsé du récit; que devient Tauriel, le personnage inventé par le film?) ou à des lourdeurs fréquentes. (Le thème de la folie du roi; le second du Maitre de Lacqueville qui devient un pitre que l’on pardonne pour sa lâcheté …) Ni épique ni consistant, le scénario nous laisse sur un vide de 2h. Les détails, qui auraient pu être développés et faire l’objet de ce film, sont bafoués en faveur de la grandiloquence, de la bataille, d’effets spéciaux qui feront les bons sentiments ou la conquête commerciale du Box-Office …
Malgré un néant scénaristique, ou plutôt le rappel de ce que nous savons déjà, les rappels à la Trilogie Le Seigneur des Anneaux constitue quelques points positifs de l’oeuvre.
Un univers visuel limité
L’épisode 3 du Hobbit rappelle ses tenants et ses aboutissants avec la Trilogie du Seigneur des Anneaux mais perd ce qui faisait « son » charme.
Récit d’aventures et de découvertes par excellence, La Bataille des Cinq Armées s’avère une fois de plus différent des épisodes précédents. Peter Jackson force le trait de ressemblance aux affrontements de Le Seigneur des Anneaux pour nous partager, une fois de plus. Visuellement, les effets spéciaux s’avèrent convaincants (Smaug; les multiples armées en marche …) tout en décevant dans leur usage. (Legolas joue sautant de pierre en pierre sur un pont en train de s’écouler; les paysages qui forcent la saturation …).
L’épisode le plus ambitieux et le plus arbitraire propose un univers plus restreint, moins passionné et moins varié. Cela est dû, évidemment au genre « bataille » mais aussi aux nombreuses recoupes, aux redites et cette volonté d’être « partout » et nulle part. Les rares moments autres qu’au coeur d’Erebor sont vite évincés et les références à la précédente Trilogie très fortement suggérées. Y compris dans ses effets spéciaux, domine encore le sentiment d’une ambition mal gérée.
L’échec des sentiments
Evangeline Lilly incarne bien son personnage. En revanche, la thématique de l’amour est poussée jusqu’à l’épuisement.
Les acteurs ne sont pas la cause de la non-efficience des émotions. Là dessus, le film n’arrive pas non à rivaliser avec ses épisodes précédents. Ce sera plutôt du côté des exigences et de la mise en scène que l’effet ne fonctionne pas comme il devrait l’être. Difficile d’être ému par les enfants de Bard; par l’amour de Legolas pour Tauriel ou d’être réellement concerné par des personnages. Il y a quelque part un « trop » de quelque chose : des apparitions très courtes; des émotions trop synthétiques pour des conséquences trop brèves.
Le lien Gandalf-Bilbon parait inachevé.
Si l’on s’en tient aux faits, comment peut-on envisager environ 10 minutes de fin, quelques conseils et quelques bafouilles pour une aventure extraordinaire qui a duré exactement 13 mois ? La fin de récit est lacunaire, très réservée, à la fois bienvenue et insuffisante. Une fois de plus, il s’agit de l’image que nous nourrissons à l’égard de La Bataille des Cinq Armées : à la fois dans le « trop » et le manquement à des principes clefs. Que l’on préfère la simplicité à la fin larmoyante est respectable; mais que l’on termine ce récit sur quelques mots, surtout que la fin est attendue, parait être très simplifié.
Le Hobbit La Bataille des Cinq Armées devait être épique. Dans une certaine mesure, il est une suite artificielle. Ses effets spéciaux le rendent particulièrement brillant. En allant au-delà des apparences, en revanche, le film ne parvient ni à briller par son scénario répétitif, ni par ses personnages pourtant introduits spécialement pour le film, ni par ses décors. A bout de souffle et amputé d’une partie de son contenu, Le Hobbit 3 induit la nécessité d’une version plus complète : la version longue, à paraitre d’ici 9 mois … Domine, à l’image de cette attente, l’ambition commerciale plus que cinématographique. Difficile pourtant d’avouer que Le Hobbit 3 est un raté : il n’est ni à la hauteur des autres épisodes ni de la même qualité que Le Seigneur des Anneaux. On le perçoit bien plus comme un épisode poussé par des nécessités d’exploitation …
On a aimé :
+ Les liens et les connexions à la trilogie Le Seigneur des Anneaux
+ Les effets spéciaux dans une certaine mesure … (Smaug, Fluidité des batailles)
On a détesté :
- Les premières minutes : l’impression d’une amputation à Le Hobbit 2 : La Désolation de Smaug
- Les effets spéciaux et leurs abus. (Legolas ? Décors ?)
- L’impression d’un film inachevé ; la nécessité d’une version longue.
- Répétition et « déjà-vu » dans la progression du scénario.