Après une entrée remarquée dans le monde du neuvième art grâce à l’excellent « Singe de Hartlepool », Jérémie Moreau avait frappé un grand coup en solo en proposant la première partie de ce diptyque qui plonge le lecteur dans le monde du tennis. Ce premier volet invitait à découvrir l’incroyable histoire de Max Winson, un jeune homme de vingt-cinq ans qui n’a jamais perdu un seul match depuis le début de sa carrière professionnelle à l’âge de seize ans. Premier mondial incontesté, invaincu sur le circuit ATP et vainqueur de près de trente grands chelems d’affilés, le jeune homme est formaté depuis sa plus tendre enfance pour atteindre la perfection sur les courts de tennis. Au fil des pages, ce jeune homme qui vivait jusque-là dans une prison dorée, forcé de s’entraîner quotidiennement jusqu’à l’épuisement, découvre cependant qu’il y a également une vie en dehors des courts et que la sienne n’est pas forcément rose. S’il est indestructible une raquette à la main, le timide jeune homme voit son monde vaciller lorsqu’il échappe à l’emprise de ce père/entraîneur tyrannique qui a le mot victoire sur les lèvres jusqu’à son dernier souffle. Cette conclusion invite donc Max à délaisser la petite balle jaune et à trouver sa voie dans la véritable vie. Livré à lui-même, le garçon doit se construire et devenir un homme en dehors du tennis.
Après avoir livré une réflexion intelligente sur l’enfance volée des sportifs professionnels, Jérémie Moreau continue d’utiliser les travers du sport business et des médias pour inviter le lecteur à réfléchir sur la société et sur les rapports humains. À l’image du titre de ce second volume, Max ne cherche en effet plus à imposer son jeu à l’adversaire, mais à rechercher le plaisir de l’échange. Au passage, l’auteur livre une véritable déclaration d’amour au tennis d’antan, évoquant cette période où la beauté du sport n’avait pas encore été remplacée par le big business. Dès les premières caresses de balle d’El Gantès, l’amateur de tennis se laisse volontiers emporter par cette ode nostalgique à cette époque moins commerciale où le plaisir du jeu et la beauté du geste étaient plus souvent recherchés.
« Le tennis est un art. C’est un art de l’échange. »
Je dois avouer que Jérémie Moreau est parvenu à me prendre à contrepied sur cet album. Je me satisfaisais en effet de cet excellent premier tome aux allures de one-shot et redoutait un peu que la qualité ne soit plus au rendez-vous de cette suite. L’auteur est cependant parvenu à encore hisser son niveau de jeu en proposant un personnage central beaucoup plus humain. Lui qui devait jusque-là laisser ses émotions au vestiaire, s’ouvre ici aux autres et découvre toute la richesse de l’échange et des relations humaines. Poussé à l’individualisme dès le plus jeune âge, le tennisman découvre un nouvel univers, complexe et riche en émotions.
Ce passage à l’âge adulte est à nouveau admirablement servi par le trait dynamique de l’auteur, qui opte pour un dessin en noir et blanc qui accompagne avec grande efficacité le jeu puissant et rapide de son héros. Le choix des cadrages et le découpage éclair insufflent également un rythme haletant à cette première réalisation en solo qui se lit à grande vitesse et avec grand plaisir.
Un coup de cœur !
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