On dit que le film de Laurent Cantet primé à Cannes porte particulièrement sur la relation du “prof” à ses élèves. Celle-ci est-elle à penser comme une relation de dominant à dominé ? S’agit-il simplement de savoir qui sera le maître de la place ?
Nous disons aujourd’hui prof plutôt que maître, de peur sans doute de faire des élèves des esclaves assujettis à un despote. Mais le maître est d’abord celui qui, ayant maîtrisé sa discipline, apprend aux autres à faire aussi bien ; ce qui implique une hiérarchie, mais dans l’intérêt principalement de celui qui apprend.
Ainsi faudrait-il distinguer le maître qui domine les autres, dominus en latin, et le maître qui possède parfaitement son art, magister. Le premier subjugue par la force, le second par son savoir élève et grandit. A vrai dire, le professeur tient un peu des deux : garant du calme, il doit sans céder imposer l’ordre ; mais porteur de culture, il a à réveiller les esprits et à les instruire.
On croit reconnaître l’autorité temporelle qui domine et l’autorité spirituelle qui exhorte. Mais ce n’est pas si simple, car il y a aussi une manière d’enseigner qui impose le savoir comme on impose le silence, demandant non de comprendre, mais d’accepter et de croire. De croire le vrai sans doute, mais enfin de croire, au lieu d’examiner et de soupeser.
Des mathématiques à la philosophie et à l’histoire, il est une façon d’inculquer qui asservit en effet l’esprit de l’élève, et semble l’écraser au lieu de le rendre plus agile. Alors le professeur se fait despote. Inversement il est une façon de recevoir le savoir qui semble le subir plutôt que l’accueillir. Alors l’élève se fait esclave.
Rien n’est plus difficile que de créer et maintenir l’authentique relation de maître à disciple, par laquelle le professeur comme l’élève apprend à tenir en éveil la partie de soi qui invente et qui pense.