Notes sur l’art de voir, de lire et d’écrire est le sous-titre tout à fait approprié de cet ouvrage signé par Robert Lalonde. On connaît le comédien, l’écrivain qui a reçu plusieurs prix et qui a connu le succès ; ici, l’auteur nous fait part de son ensauvagement dans sa propriété de Sainte-Cécile de Milton, à la campagne. Si je parle de son ensauvagement, ce n’est pas que Lalonde ne soit également un civilisé (il l’est manifestement), mais en raison de son intimité profonde avec tout le merveilleux de la nature, de ses brutalités comme de ses aspects les plus tendres. Lalonde nous apprend donc réellement à voir un monde mystérieux qui trop souvent échappe à nos regards distraits. Au fond il est un langage secret dans l’ordre naturel tout comme il en est un au cœur de l’homme, ainsi que le veut cette merveilleuse citation de l’auteure Margaret Laurence que l’on trouve dans l’ouvrage de Lalonde : « The lost languages, forever lurking somewhere inside the ventricules of the hearts of those who had lost them. » (Traduction de Robert Lalonde : « Les langages oubliés, cachés en quelque recoin du cœur de ceux qui les ont perdus. »)
Mais de quoi au juste est-il question dans Le monde sur le flanc de la truite, êtes-vous sans doute tentés de me demander ? J’aurais envie de dire : de tout; enfin, de tout ce qui compte. On y trouve un observateur fin qui nous apprend à voir ; un être humain pour qui le métier d’homme se confond avec celui de l’écriture, et qui se nourrit des meilleures lectures afin de creuser un tunnel vers ce centre brûlant qui est le secret de nos vies. Pour ma part, j’ai découvert dans cet ouvrage des auteurs que je ne connaissais pas ou que je ne connaissais que de nom, dont Margaret Laurence, l’excellente Annie Dillard, Barry Lopez, Emily Dickinson et tant d’autres. Giono (grand inspirateur de Lalonde), Collette et Gabrielle Roy sont également conviés à cette fête des sens et de l’esprit qu’est Le monde sur le flanc de la truite.
L’écrivain en herbe comme l’écrivain chevronné trouveront dans ce bel ouvrage plus d’une remarque utile dont je retiens celle-ci : « Je n’écrirai pas bien demain si je ne consens pas à avoir mal écrit aujourd’hui. » Notre homme croit donc au travail, à l’artisanat de l’homme et de la femme de lettres, mais également à la nécessaire et profonde attention (attention à soi comme à ce monde que réfléchit si bien le flanc d’une truite qui saute hors des eaux d’une rivière). Lalonde, tout attentif qu’il soit aux bêtes et à tous les phénomènes de la nature, n’est pas pour autant un
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Alors, Le monde sur le flanc de la truite, c’est de la poésie en prose ? Un essai ? Des notes de lecture ? Je serais tenté de dire : tout cela et bien plus. Mais c’est peut-être à Robert Lalonde lui-même qu’il faut laisser le soin de définir son ultime but : « Si j’avais pu convier à certain désir de lire, mon tourment s’apaisera un peu. »
Frédéric Gagnon
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Toutes les citations sont tirées de l’ouvrage suivant : Lalonde, Robert. Le monde sur le flanc de la truite : notes sur l’art de voir, de lire et d’écrire, Montréal, Boréal, 1997.
Notice biographique
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