Spécialiste de danse et de musique baroque, Béatrice Massin, propose une relecture des contes de Charles Perrault, auteur éminemment baroque et pourtant principalement traité sous le prisme du XIXe siècle.
Elle commence avec La Belle au bois dormant, dont la création a eu lieu à Reims le 26 novembre dernier. Ce conte lui a inspiré une chorégraphie qui donne à voir toute la magie de la danse baroque à travers le merveilleux et le ludique d’un moment aussi bien destiné aux enfants qu’aux plus grands. Lou Cantor, qui interprète le personnage de Belle, incarne parfaitement la joie de la petite fille qui fait l'avion dans sa "robe qui tourne". Elle joue avec inventivité avec son vêtement, que sa nourrice modèle en cape et en divers attributs.Par contre le dépouillement du décor et la concentration des accessoires à une simple malle rend difficile la perception de l'univers baroque, réduit à la danse et à la musique. L'affiche du spectacle induit une richesse que l'on ne retrouve pas sur scène.
Le mot baroque vient de la langue portugaise, signifiant perle irrégulière. Sa signification de bizarrerie, d’insolite, fut d’abord attachée à l’architecture. Ce n’est qu’au début du XX° siècle qu’on a désigné le XVI° et le XVII° avec ce terme, toujours en architecture, le XVIII° étant qualifié de rococo. Vers 1930, le mot baroque est associé à la musique et à la danse plus tard encore.
Béatrice Massin propose un voyage dans le temps à la cour d’un royaume totalement imaginaire (puisqu'il n'y a rien d'autre que les corps et les musiques comme support de fantasme au spectateur) où l'on danse pour paraître, pour se divertir, pour exister. Belle s’endort chez Lully et se réveille chez Mozart.C'est l'occasion d'entendre de magnifiques morceaux comme le Prélude du Sommeil d'Atys de Jean-Baptiste Lully, ou la Symphonie des Jouets de Léopold Mozart (le père de Wolfgang). La bande son du spectacle est à ce titre fort intéressante car elle intègre aussi bien des sons naturels comme les cors d'une chasse à courre, des aboiements et des cris de coqs dans la première partie qu'une alarme incendie et des crépitements de feux d'artifices dans la seconde.Sur scène, un trio de jeunes danseurs qui interprètent tous les rôles. Ils sont formés à la danse baroque pour la première partie, alors que la seconde a été construite avec davantage de liberté à partir de leur tonicité et de leur dynamisme. S'il faut voir Lou Cantor, pieds nus sur le parquet, remuer du popotin avec coquinerie, on peut s'interroger sur l'emploi de Corentin Le Flohic dans deux rôles féminins, la Nourrice et la Méchante Fée (sans que sa compétence ne soit mise en cause par ma question). Olivier Bioret occupe un statut plus conventionnel en jouant le Père comme le Prince.
A travers l’abstraction de la danse, le récit touche à l’intime de chaque enfant-spectateur afin de lui permettre de cheminer dans son propre conte. Béatrice Massin a trouvé là l'occasion de montrer le merveilleux et toute la palette intemporelle de la danse baroque. La chorégraphe est une référence dans ce domaine depuis le film Le roi danse de Gérard Corbiau dont elle a réglé les ballets en 1999.
Après hier soir au Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine (94) le spectacle s'installera au Théâtre national de Chaillot du 26 décembre au 16 janvier 2015. Il sera ensuite en tournée à Courbevoie le 27 janvier, sur la Scène nationale de Mortagne au Perche le 5 février, à Armentières / Le Vivat du 12 au 14 février, à Alfortville le 10 mars, au théâtre de St-Omer le13 mars, auThéâtre en Beauvaisis du 14 au 17 avril et sur la scène nationale du Trident de Cherbourg du 5 au 7 mai.
La Belle au Bois DormantConception et chorégraphie : Béatrice MassinCréé et interprété par Lou Cantor, Olivier Bioret et Corentin Le Flohic Lumières : Evelyne RubertCostumes : Clémentine MonsaingeonCréation sonore : Emmanuel NappeyMusiques : Elisabeth Jacquet De La Guerre, Jean-Baptiste Lully, Marin Marais, Léopold Mozart, Wolfgang Amadeus MozartTout public / jeune public et scolaireDurée : 50 minutes
Les photos du spectacle sont de sont de François Stemmer.