The Great Fire est une minisérie signée ITV qui a été diffusée à la mi-octobre en Angleterre. Quatre épisodes, quatre journées; celles du 2 au 5 septembre 1666 alors qu’a eu lieu le Grand incendie de Londres qui a détruit des milliers de foyers. Simultanément, nous sommes à même de mesurer la détresse qu’ont dû endurer les habitants de ces quartiers pauvres qui ont tout perdu ainsi que les efforts du gouvernement, avec à sa tête le roi Charles II (Jack Huston), pour remédier à la situation. Événement historique majeur de la ville peu exploité au petit écran comme au grand, dès le départ, The Great Fire nous envoûte, mais à l’image des flammes, notre intérêt se consume vers la fin de la série, notamment à cause d’histoires de cœur qui revêtent peu d’intérêt et qui donnent l’allure de remplissage. Par contre, c’est l’aspect lié à la propagande, y compris les tensions entre catholiques et protestants qui retiennent notre attention.
Tout ça pour une tarte!
Voilà six ans que la Restauration a eu lieu et que Charles II Stuart est sur le trône. Mais celui que l’on surnomme the mery monarch ne fait pas l’unanimité à la cour. C’est que la cassette royale est vide en raison de la deuxième guerre avec la Hollande et les mœurs pour le moins libertines du souverain en choquent plusieurs, dont les puritains. Le soir d’un bal, un espagnol tente un attentat contre le roi, mais est neutralisé à la dernière minute par Lord Denton (Charles Dance) qui est persuadé que l’homme n’a pas agi seul et qu’il s’agit d’un complot des catholiques. À l’opposé, dans le faubourg de Pudding Lane, Thomas Farriner (Anfrew Buchan) est le modeste boulanger en titre qui approvisionne les troupes navales. N’ayant pas été payé depuis longtemps, il met les bouchées doubles pour survivre et c’est sa fille Hannah (Polly Dartford) qui s’occupe de la cuisson. Un soir alors qu’elle fait cuire une tarte, elle est distraite quand sa jeune sœur l’appelle et quitte la cuisine sans fermer la porte du four. Quelques secondes à peine et la demeure devient un brasier qui a tôt fait de s’étendre sur les maisons voisines, les rues, les artères, etc. Les vents violents se mettent de la partie et l’incendie est désormais incontrôlable.
À la cour, Charles II, conseillé par son Frère Jacques (Oliver Jackson-Cohen) et son ministre Samuel Pepys (Daniel Mays) veut intervenir, notamment en proposant de dédommager les sans-abris, mais le conseil estime les dépenses trop élevées et préfère laisser le feu consumer ces quartiers insalubres. Entretemps, Lord Denton est persuadé que l’incendie a été provoqué par des catholiques et est à la recherche de coupables. Ses soupçons tombent sur le duc de Hanford (un catholique avéré très proche de Jacques) et il persuade sa servante, Sarah (Rose Leslie) de trouver des preuves incriminant son maître. Seulement, elle n’y arrive pas et Denton, après avoir tué Hanford, accuse Sarah qui est aussi la belle-sœur de Thomas. Finalement, l’incendie se calme et Sarah sera libérée.
Il n’est pas facile de recréer un incendie d’une telle ampleur et The Great Fire s’en tire de façon remarquable, comme tout ce qui touche à la mise en scène; le réalisateur Tom Bradby étant manifestement inspiré des gravures et peintures relatant l’incident. Le contraste est d’autant plus frappant que durant l’incendie, alors que la populace tente avec quelques cruches d’eau d’éteindre le brasier, à la cour, on danse, on joue au cricket et on spécule sur la prochaine maîtresse du monarque. En même temps, on se monde très objectif quant aux circonstances et l’attentisme dont font preuve le roi et le gouvernement. C’est qu’un tel incident était à prévoir étant donné les rues exigües, les maisons en bois et les métiers qui s’y pratiquaient comme la fonderie, la vitrerie et la forge. Là où la série perd plusieurs points est lorsqu’elle semble éprouver le besoin d’y introduire des histoires de cœur, notamment entre Thomas et Sarah. Comme l’écrit Victoria Munro dans sa critique : « his [Thomas] hurried and somewhat forced sexual tension with Sarah felt too much like ITV trying to meet their romance quota for the episode. » Même chose pour l’épouse de Pepys, Elizabeth (Perdita Weeks) qui est scandalisée que son mari l’ait trompé (comme si ce n’était pas monnaie courante à l’époque) et qu’elle-même, pour se venger flirte avec son maître de musique : le tout, pendant que le feu est à deux pas de leur demeure! Ce remplissage est inutile, d’autant plus que les quatre jours de l’incendie à eux seul fournissent assez de matériel à la série, notamment du point de vue judiciaire.
Relations publiques
Bien que The Great Fire se situe en 1666, son sujet trouve facilement écho à travers les âges, et ce, jusqu’à nos jours. Ce que vivent les Londoniens est comparable à n’importe quelle catastrophe naturelle d’envergure. Pour la petite histoire, on estime que l’incendie a détruit au bas mot 13 000 logements laissant environ 75 000 habitants sans abris et que le coût de cette catastrophe s’élèverait à près de 1,5 milliard $ US d’aujourd’hui! D’emblée, la population a pour premier réflexe de trouver un coupable. Ce n’est pas un sentiment d’abnégation qui l’anime, mais de vengeance. Or, le retour des Stuart sur le trône d’Angleterre ravive plusieurs tensions entre protestants et catholiques (surnommés papistes). Ces derniers étant proscrits de quasiment toute la sphère publique, il est d’autant plus étonnant que les grands de cette confession, comme le frère du roi ou encore la reine Catherine de Bragance (Sonya Cassidy) puissent exercer leur culte en toute impunité. Pour faire un parallèle, les papistes des années 1660 devaient être les équivalents des musulmans d’aujourd’hui. À tort, on les soupçonne de tous les maux et dans The Great Fire, on assiste à une ou deux scènes de lynchage au sein de la populace, mettant en lumière à la fois la peur et les préjugés d’une classe de la société peu instruite, tout cela orchestré en partie par le gouvernement même qui peine à instituer une religion unique au sein de ses sujets. Les temps ont beau avoir changé, la propagande et les campagnes de désinformations ne sont pas l’apanage des temps anciens…
Lors du premier épisode, The Great Fire a attiré 4,4 millions de téléspectateurs, mais ils n’étaient plus que 2,1 présents à la finale. On a sans doute trop tergiversé dans des intrigues inutiles alors qu’il aurait été intéressant d’avoir droit à un volet plus instructif. Quant aux toutes dernières scènes, le ton rose bonbon colle mal avec la tragédie qu’ont vécu les Londoniens. Tout de même; merci à ITV de nous rafraîchir la mémoire sur ce pan un peu connu de l’histoire anglaise.