Pour son premier long-métrage, Kaouther Ben Hania nous livre « Le Challat de Tunis », faux/vrai documentaire sur un fait réel datant de 2003. Jallel Dridi, Moufida Dridi et Mohamed Slim Bouchiha tiennent les rôles principaux. Le long-métrage fût sélectionné dans la section de l’ACID au dernier Festival de Cannes, ainsi qu’au Festival International du Film d’Amiens 2014 où il reçut le prix du syndicat français de la critique de cinéma. « Le Challat de Tunis » sortira dans nos salles françaises le 1er avril 2015.
Synopsis : En 2003, un homme sur une moto, une lame à rasoir à la main, balafre les plus belles paires de fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de Tunis. On l’appelle le Challat, la lame.
« Le Challat de Tunis » est un long-métrage particulier, mélangeant fiction et faits divers sans réellement délimiter les deux points de vues. On se retrouve face à un objet cinématographique qui essaye désespérément de nous piéger. C’est là son plus grand défaut : ne pas réussir à exister par lui-même, et devoir reposer sur la curiosité des spectateurs à dénicher le vrai du faux après le visionnage. Cependant, à côté de ce mélange des genres qui ne fonctionnent jamais, la partie fiction révèle quelques trouvailles. Ainsi on découvre « l’existence » d’un « virginomètre », objet capable de dire si une femme est vierge ou non, et qu’il y a tout un marché noir autour de celui-ci. Avec ces idées scénaristiques, « Le Challat de Tunis » confirme le fait qu’il aurait gagné à assumer son caractère de faux documentaire tout du long, tout en ayant un réel regard sur son environnement : un vrai film de cinéma, en somme, et non un long-métrage cherchant trop facilement le « buzz ».
Les personnages sont assez effacés dans « Le Challat de Tunis », là où leurs actions comptent plus que leur propre personne. Malgré cela, on sent la conviction de l’actrice principale à essayer d’offrir de la matière au personnage principal. Elle essaye vaguement de jouer un rôle, qu’elle essaye pourtant de masquer par des traits de jeu spontanés qui sonneront toujours faux. Pourtant, quelques personnages arrivent à attirer l’attention comme celui de ce jeune tunisien qui prétend être le Challat. L’acteur, qui interprète ce personnage, parvient à créer l’artifice d’un protagoniste tout à fait réel, dans son attitude et ses réactions. Plusieurs minutes seront nécessaires au spectateur afin de comprendre qu’il s’agit d’un personnage fictif et non réel. Encore une fois, « Le Challat de Tunis » aurait mérité à mettre davantage en avant ce genre de personnages atypiques, plutôt que de fabriquer de toutes pièces des protagonistes insipides, coincés entre fiction et réalité.
La réalisation de Kaouther Ben Hania est aussi aléatoire que le procédé qu’elle utilise, la caméra embarquée type reportage en l’occurrence. On comprend la volonté de s’affirmer comme un long-métrage immersif et prenant. Malheureusement, ceci ne fonctionne qu’en théorie. Une fois les images portées à l’écran, « Le Challat de Tunis » devient presque illisible par moment et agace par son cadrage hasardeux et non-soigné. Seuls quelques témoignages, qui sont complètement hors de la narration, sont filmés avec attention. La solution aurait peut-être été de trouver une juste solution entre cette caméra à l’épaule, donnant le tournis et ne flattant pas du tout le long-métrage, et une réalisation plus cadrée, qui apporte un calme alors qu’elle est automatisée. Au final, « Le Challat de Tunis » se retrouve encore une fois entre deux choix, deux solutions, qu’il n’arrive pas à départager et qui seront, du coup, tous deux présents comme si le long-métrage ne voulait pas faire de jaloux.
« Le Challat de Tunis » est un faux/vrai-documentaire qui n’arrivera jamais à trouver le bon équilibre dans son propre statut. Entres bonnes idées de fiction et mauvaise mise en scène de la réalité, le long-métrage ne restera qu’une fausse bonne idée artistique.
Le Challat de Tunis. De Kaouther Ben Hania. Avec Jallel Dridi, Moufida Dridi, Mohamed Slim Bouchiha, Narimène Saidane, Kaouther Ben Hania, …
Sortie le 1er avril 2015.