A l’ouverture de ce petit pavé, j’ai retrouvé avec délice tout ce que j’avais aimé chez Dickens. D’abord, ce ton qui lui est si particulier. Cette ironie, ce second degré permanent avec lequel il parvient à nous décrire les pires horreurs qui touchent Oliver et les bas-fonds de l’Angleterre victorienne. Comme les petites mentions selon lesquelles Oliver est très soucieux de la bonne éducation de ses camarades, lui qui se faisait régulièrement corriger devant eux pour leur montrer le comportement à ne pas imiter. La littérature anglaise a cela de délicieux qu’elle arrive à être à la fois sociale, profondément réaliste, et en même temps à éviter les lourdeurs et les stéréotypes dans lesquelles on pourrait l’attendre.
Pour autant, on retrouve bien sûr dans ce roman tout ce qui a fait sa notoriété, à savoir l’effet Cosette, avec cet enfant qui n’a même pas demandé à naître et sur qui tous les malheurs du monde s’acharne. Il ne tombe que sur des personnes horribles, tombe de Charybde en Scylla, à croire que le ciel a décidé de mettre sur son chemin uniquement des salopards. Et pourtant, tout finit bien. Evidemment, ça fait un peu cliché pour ce qui est de l’histoire. Et d’ailleurs, je n’ai pas pu m’empêcher de trouver quelques longueurs. Parce que bon, on finit par se demander quand et comment on va se sortir de ce tiraillement entre les bandits et les gentils qui se disputent le petit Oliver qui finalement, attire beaucoup l’attention pour un petit orphelin (comme par hasard). Ca finit par tourner un peu en rond et les révélations familiales qui sont légions semblent un peu faciles.
Mais dans l’ensemble, c’est une lecture dont je suis contente, car elle me confirme que si certains auteurs deviennent des références, ce n’est pas pour rien. Il s’agit typiquement d’un livre qui peut (et doit) avoir plusieurs niveaux de lecture et dont on rate l’essentiel si on se contente de suivre linéairement l’histoire. On ratera cette critique des bourgeois intéressés et franchement niais, ou d’un système hypocrite qui veut prendre soin des pauvres tout en les maintenant pauvres. Et n’allez pas croire que tout finit bien pour tout le monde, parce qu’il y a aussi des vraies ordures qui le reste, et c’est tout de même par chance qu’Oliver ne finit pas sa vie au fond d’un caniveau. C’est savoureux et sans concession
La note de Mélu:
A découvrir!
Un mot sur l’auteur: Charles Dickens (1812-1870) est un romancier britannique connu pour ses descriptions du Londres populaire du XIXème siècle. D’autres de ses romans sur Ma Bouquinerie:
L’essentiel du film tient dans le destin du petit Oliver: finira-t-il avec les gentils ou avec les méchants? Ceux-ci sont très clairement identifiés par leur manière de parler et leur aspect bien typé. Le physique de Fagin et son nez crochu s’oppose clairement à la rassurante barbe de Mr Brownlow. Même les errances, hésitations et retournements de Nancy, la jeune voleuse qui décide de sauver Oliver malgré sa condition de fille des rues, est bien simplifiée là où elle faisait l’objet, dans le roman, d’une vraie réflexion sur les chances que chacun a au départ et sur le déterminisme social.
La grosse réussite tient selon moi dans ce personnage d’Oliver, campé à merveille par le petit John Howard Davies, souffreteux et émouvant à souhait. Plus encore que dans le livre, il s’agit d’un personnage extrêmement passif, balloté par les événements et qui, à aucun moment ou presque, n’est maître de sa destinée. Un anti-héros au possible, qui illustre bien ce que le Londres de l’époque peut faire d’un personnage innocent et faible. Autre gros point fort: toute la dernière partie du film, qui se précipite pour acculer les voleurs, où la ville entière se déchaîne contre ses propres parasites, fait l’objet de plans très impressionnants voire dérangeant, car elle échappe à tout contrôle. Dans l’ensemble, je reconnais donc la qualité cinématographique du film, mais il lui manque un petit quelque chose pour capter ce que Dickens a d’intemporel.