Le slam de Sophie…

Publié le 22 décembre 2014 par Chatquilouche @chatquilouche

S’l’âme…

tirée de : forevershowtroll.centerblog

On me blâme d’avoir l’âme polygame, je prends pays comme mari, quand ça me tente, je suis une émigrante polyvalente. J’ai l’exode qui rhapsode et l’exil volubile. J’ai l’exit qui s’excite et la cravate qui s’expat. J’ai les antipodes qui me tourmentent et la tangente impatiente. J’ai le corps en urgence et le cœur en itinérance.

Mais voilà que je me fixe, que je change de lexique. Je mets l’ailleurs en annexe et j’exfolie mes excès. L’aventure est inédite. Je reste ici..tte.

J’voudrais faire un slam pour un p’tit coin d’exil où j’ai élu domicile

J’voudrais faire un slam pour un p’tit coin de pays, ça s’appelle Chicoutimi.

Il paraît qu’c’est un royaume, mon nouveau sweet home.

Passé le parc, les monarques y sont tous cousins. J’te le jure, c’est écrit dans l’bottin! Ils étaient juste 21, pis là, là, y sont rendus tout plein. C’est une farce, y’a que des Tremblay dans la place, même dédicace pour toute une populace.

Les dés sont pipés! Saurais-je m’émanciper sans expier mon pays. Sophie Torris, comment voulez-vous qu’j’m’accomplisse? J’ai le label rebelle, un blason à la con, une signature pas d’allure. Comment se trouver une famille, quand de personne on est la fille? Comment être la cerise sur le Sunday quand on est n’est pas un bleuet?

Mon pays d’adoption, mon pays d’adaptations. On ne se déboise pas le cœur du jour au lendemain, on ne s’apprivoise pas un ailleurs un beau matin. L’exil se nourrit de nuits et de colères blanches. Il éprouve, il chauffe et saigne à blanc. Mais pourquoi j’m’enterre dans cette vallée glaciaire? D’abord me taire, ma terre en friche. J’ai voté blanc pendant un temps.

Je suis longtemps restée à fleur de lys de peau. Et pourtant le Québec n’est pas farouche, c’était moi, la sauvagine, l’herbe folle plantée, là, sans racine et sans souche, au vent d’humeurs chagrines qui s’escarmouchent.

Mais la faune d’ici est l’fun. Les gens ont le cœur sur la main, de l’amour en tourtière jusqu’à plus faim. Quand tu commandes du houblon, c’est pas dans un verre qu’on te le sert, c’est dans un bidon.

Parait qu’ici, y’a pas besoin de montrer ses fesses pour réussir dans le show-business.

Pour les artistes, c’est le beau fixe, tu pousses la chansonnette, on te donne un Félix.

Moi, je chante faux et j’ai un penchant pour les mots. Mon plan de carrière, c’est le prix littéraire !

JCL, VLB… J’ai tout tenté sans succès car depuis que je chu t’ arrivée…

J’ai la syntaxe qui se désaxe, l’orthographe qui se dégrafe. Ma langue devient libertine, j’ai la grammaire qui se débine! Fuck, me v’la en cloque d’accents loufoques. J’dis plus parking, j’dis plus shopping, mais j’ai l’ rubber sur le cutter et des fois, ça fait peur !

Pas vraiment dithyrambiques mes critiques. Excuse, j’abuse! C’est une ruse !

Car qui aime bien châtie bien. Ce n’est pas pour rien qu’aujourd’hui on est citoyens !

Mon aînée épousera un Tremblay, peut-être, qui sait?

Mes enfants travailleront à l’Alcan, peut-être dans vingt ans.

À force de fixer l’hiver dans le blanc de ses grands lacs, je me suis éprise de ce grand Péril blanc. J’y ai hissé mon drapeau blanc, il y flotte fier au vent métissé de tous mes changements. Se sentir désirable et enfin se greffer au tronc des Érables. Aujourd’hui, je suis une sève mêlée.

Et quand je serai devenue une autochtone à l’automne de ma vie, je m’endormirai, paisible et fière sur le bord de la rivière.

Je suis une oie sauvage et j’ai pris le chemin des battures.

Je ne reprendrai pas le large, c’est ici que je veux conclure.

 

 Notice biographique

Sophie Torris est d’origine française, Québécoise d’adoption depuis dix-sept  ans. Elle vit à Chicoutimi, y enseigne le théâtre dans les écoles et l’enseignement des arts à l’université. Elle écrit essentiellement du théâtre scolaire et mène actuellement des recherches doctorales sur l’impact de la voix de l’enfant acteur dans des productions visant à conscientiser l’adulte. Elle partage également une correspondance épistolaire avec l’écrivain Jean-François Caron sur le blogue In absentia. (http://lescorrespondants.wordpress.com)

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)