Si c’est à Matt Fraction que Marvel a confié la lourde tâche de remettre son célèbre archer sur le devant de la scène, le dessinateur vedette de la saga éprouve malheureusement un peu de mal à suivre la cadence de publication. Afin de combler cette lacune, Marvel a eu l’idée de proposer régulièrement des épisodes « fill-in » mettant en scène la side-kick du héros dans des aventures en solo. En alternant les épisodes consacrés à Clint Barton avec ceux de Kate Bishop, l’éditeur parvient à garder le rythme de publication tout en permettant à David Aja de nous concocter ses petites perles visuelles.
En regroupant les épisodes #14, #16 à #18 et #20 de la saga Hawkeye, ainsi que l’Annual #1, ce troisième tome propose donc une sorte d’album « spin-off » sans David Aja et avec Kate Bishop dans le rôle principal. Suite aux aventures du tome précédent, il y a un léger froid entre les deux archers de chez Marvel, poussant Kate à quitter son mentor afin de tenter de voler de ses propres ailes. « L.A. Woman » invite donc à suivre les déboires de cette jeune héroïne qui tente de se refaire une nouvelle vie à Los Angeles, tandis que Clint Barton reste à New York.
À l’instar de l’approche de Matt Fraction sur le personnage de Clint Barton lors des tomes précédents, l’auteur s’intéresse aux galères quotidiennes de cet autre personnage dépourvu de super-pouvoirs. Entre une Madame Masque que cherche à se venger de l’affront qu’elle a vécu, un père qui fricote avec une ancienne camarade d’école de Kate, une carte de crédit qui se retrouve bloquée et une nourriture pour chat introuvable, l’envol de Kate vers l’indépendance est moins facile que prévu. Rien de particulièrement super-héroïque donc, mais des aventures très terre à terre qui fonctionnent certes à merveille, mais sans atteindre le niveau des deux premiers volets, qui étaient des petits chefs-d’œuvre.
Il y a tout d’abord les enquêtes de cette héroïne qui décide de devenir détective privée pour subvenir à ses besoins, qui ont plus de mal à convaincre. L’approche loufoque et le ton désinvolte sont au rendez-vous, mais les histoires de ces orchidées volées ou de ces enregistrements perdus ont du mal à tenir le lecteur en haleine. Ce qui n’arrange pas les choses est que l’héroïne est tout de même beaucoup moins charismatique que son mentor. L’idée d’intégrer Kate Bischop, l’Hawkeye des Young Avengers, à la saga régulière était particulièrement bien vue car les deux archers forment un duo très intéressant, mais se retrouver subitement uniquement en compagnie de la side-kick est tout de même une petite désillusion.
Même si le récit permet de découvrir les faiblesses du personnage, loin de sa vie de super-héroïne et avec beaucoup d’humour, la narration souffre de l’absence de David Naja. Ces remplaçants parviennent certes à insuffler un côté rétro aux planches, qui fait penser aux comics des années 70, mais ne parviennent pas à reproduire l’inventivité graphique de David Aja. En multipliant les trouvailles sympathiques, le dessinateur parvenait à se hisser au diapason de la narration, alors que ses suppléants ne parviennent pas à reproduire la même efficacité et originalité. Attention, le travail de Javier Pulido sur l’Annual et d’Annie Wu sur les quatre autres épisodes est loin d’être mauvais, au contraire, mais avec David Aja aux manettes c’est tout de même autre chose.
Bref, un bon tome, mais qui souffre malheureusement de l’absence du héros principal et du dessinateur attitré.