Comme chaque fin d’année, j’ai profité du mois de décembre pour rattraper quelques films oubliés susceptibles d’être présents dans mon top cinéma. Et parmi ceux-ci, il y a notamment Night Call (Nightcrawler en VO), de Dan Gilroy, avec l’excellent Jake Gyllenhaal dans le rôle principal. Il interprète Lou Bloom, un jeune homme qui découvre par hasard le monde confidentiel du journalisme de faits divers freelance. Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n’aura aucune limite…
Après Prisoners l’année dernière, et Enemy il y a quelques mois, Jake Gyllenhaal poursuit sa formidable ascension en tant qu’acteur (une nomination aux Oscars ne serait pas volée) en livrant dans Night Call une nouvelle performance de haut vol. Fortement amaigri pour le rôle, le comédien incarne avec brio un personnage particulièrement complexe, à la fois sympathique, drôle et souriant ; mais aussi terriblement ambigu, cynique et ambitieux. Le genre de personnage prêt à tout pour arriver à ses fins et qui ne semble animé d’absolument aucun remords. Plus le film avance, et plus il se dévoile, révélant progressivement une détermination aussi extrême que glaçante. Moralement douteux, le personnage suscite néanmoins, grâce au jeu impeccable de Jake Gyllenhaal, suffisamment d’empathie que pour le suivre dans ses péripéties pendant toute la durée du film. Et si son incursion dans l’univers du journalisme est plutôt amusante au départ, elle bascule rapidement dans le glauque au fur et à mesure des reportages, toujours plus choc et toujours plus à la limite de la légalité. Le long-métrage a toutefois la bonne idée de ne jamais juger le héros, et évite ainsi un côté moralisateur qui aurait certainement amoindri l’impact du récit.
A la place, il dépeint froidement, et sans compromis, une image bien peu glorieuse des médias (américains), qui fait forcément écho à la réalité. A l’heure où les chaînes de télévision ne cessent de se multiplier, il devient en effet primordial pour elles de se faire entendre (ou plutôt voir dans ce cas-ci), même dans le cas des JT. Et tous les moyens semblent permis pour y parvenir, au risque d’entrer dans un engrenage infernal où le sensationnel finirait par remplacer la véritable information afin de recueillir un maximum d’audiences. C’est ce que le film montre très bien par l’intermédiaire du parcours de Lou et des relations qu’il entretient avec la productrice télé (interprétée par Rene Russo) de la chaîne à qui il vend ses images. Mais il n’a pas uniquement vocation à faire réfléchir, il est également particulièrement abouti sur le plan technique et sensoriel. Effectivement, pour un premier long-métrage derrière la caméra, Dan Gilroy propose une réalisation soignée et parfaitement maîtrisée. La tension monte progressivement et éclate dans une dernière demi-heure incroyable d’intensité. En outre, le rythme est plutôt soutenu et les dialogues s’avèrent particulièrement bien écrits, conférant à certaines scènes un aspect dangereusement jouissif. Enfin, bien que discrète, la BO de James Newton Howard se révèle extrêmement classe et agréable.
En définitive, Night Call s’impose donc comme un thriller haletant, porté par un Jake Gyllenhaal magistral en journaliste ambitieux sans scrupules. Loin des productions formatées habituelles, le film offre un regard sans concession sur les dérives du journalisme télévisuel et leur impact sur la société. Énorme coup de cœur !