Les petits drones ne sont déjà pas si rares à basse altitude dans l’espace aérien du Royaume-Uni, mais ce qui fait de ce drone un oiseau rare est avant tout la façon dont il a vu le jour : la plupart de ses pièces, y compris le fuselage et le réservoir de carburant, ont été façonnées en nylon léger par une imprimante 3D. Il y a trois ans, des chercheurs de l’Université de Southampton, menés par Jim Scanlan, sont parvenus à une première mondiale lorsqu’ils ont construit et fait voler un drone entièrement construit à partir de pièces produites par fabrication additive, ou impression 3D. Le drone d’origine, 4 ans auparavant, était plus petit, avec une envergure de 1,20m. Depuis lors, l’équipe de Scanlan – pourvu d’un financement du gouvernement de 3 millions de livres Sterling – travaille avec succès pour prouver que les drones peuvent être conçus, construits et testés dans un laps de temps relativement court de moins de deux semaines en utilisant la fabrication additive.
Mais Scanlan vise désormais un objectif encore plus ambitieux. Il veut prouver que les drones imprimés en 3D constituent un prototype pour les avions cargo de prochaine génération. « Je crois dur comme fer que les avions cargo seront bientôt des drones » Plus audacieusement encore, Scanlan croît également que des avions cargo – assemblés à partir de pièces imprimées en 3D – peuvent rapidement envahir le ciel en utilisant des technologies de communication standards et peu couteuses au lieu de compter sur des systèmes onéreux de type « détecter et éviter » encore peu fiables. Mais il s’agit d’une vision actuellement en opposition avec la façon de penser de l’industrie et des agences de régulation.
Pour faire connaitre sa vision, Scanlan a démarré un programme appelé HIATUS (Highlands and Islands Aerial Transport using Unmanned Systems ou transports aériens au-dessus des Highlands et des îles écossaises utilisant des drones) qui, espère-t-il, utilisera d’ici 18 mois des drones imprimés en 3D de la taille de la moitié d’un petit Cessna, volant de manière semi-automatique, pour approvisionner en marchandises les îles distantes en Europe qui disposent de peu de moyens de transport et sont souvent inaccessibles en raison du brouillard et des mauvaises conditions climatiques. « Notre drone » insiste-t-il, « est parfaitement à l’aise dans le brouillard »
Scanlan surfe certainement sur la vague d’une tendance inévitable. « Les drones feront bientôt partie de la vie quotidienne » déclare Amanda Stainer, directrice commerciale du salon aéronautique biennal de Farnborough (Farnborough International Airshow), qui se déroule du 14 au 20 juillet. Mais l’économie réelle poussera les drones vers le transport de fret, sans pilotes. L’industrie du fret est également désireuse de diminuer les frais de carburant et de réduire son empreinte carbone en utilisant des avions qui sont plus légers et plus efficaces. C’est pourquoi les drones pourraient constituer un développement bienvenu, en particulier s’ils peuvent être fabriqués à grande échelle plus économiquement en utilisant des imprimantes 3D et des matériaux résistants, et légers comme le nylon.
Le projet Astraea (Autonomous Systems Technology Related Airborne Evaluation and Assessment) – une initiative sur trois ans disposant d’une subvention du gouvernement de 62 millions de livres Sterling et qui étudie la meilleure façon de partager l’espace aérien du Royaume-Uni entre les drones et les appareils habités, en est le meilleur exemple. Mais, contrairement à Scanlan, les responsables de Astraea sont convaincus que pour voler en toute sécurité parmi les appareils habités, les drones doivent disposer de systèmes de type « détecter et éviter » qui leur permettent de «voir » si un autre appareil se trouve sur leur trajectoire de vol et manœuvrer automatiquement pour l’éviter.
Le problème n’est pas d’avoir des avions robotisés dans l’espace aérien contrôlé, déclare Lambert Dopping-Hepenstal, directeur du projet, mais de voler dans l’« espace aérien non contrôlé » à basse altitude en bordure de l’aérodrome. « Cela est plus difficile dans l’espace aérien non contrôlé, où tout le monde peut voler – montgolfières, planeurs, parachutes – et où tout dépend, comme nous le savons, de la réaction du pilote. Vous ne pouvez pas mettre un drone dans cet espace aérien avant de prouver qu’il est sûr ». C’est pourquoi de gros efforts sont déployés pour développer des systèmes d’évitement, qui représentent un gros challenge technique admet Dopping-Hepenstal, même s’il pense que cela est possible d’ici 2020. « Nous progressions de manière satisfaisante sur ce point »
Au-delà de développer une technologie de type « détecter et éviter », il est également nécessaire de comprendre comment apporter une « sécurité absolue » aux systèmes de communication entre l’appareil et le sol, déclare-t-il. Les communications entre les contrôleurs et les pilotes sont actuellement non sécurisées, et tout le monde peut les écouter. Mais cela ne peut pas être autorisé si des données sensibles sont échangées entre le système autonome de l’appareil et le pilote basé au sol qui dispose du contrôle final. « Nous ne pouvons pas permettre qu’il soit piraté » déclare Dopping-Hepenstal.
Scanlan, déclare cependant que « les organismes de régulation ont tort » Les systèmes d’évitement sont loins d’être prêts, « et ils constituent une perte de temps et sont trop compliqués ». Ils comportent principalement des caméras, note Scanlan, mais les caméras ne fonctionnent pas dans les nuages ou le brouillard, « alors quelle est l’utilité de tout cela ? ». En attendant, déclare-t-il, tous les avions commerciaux utilisent à l’heure actuelle des transpondeurs, des systèmes de radars passifs, qui leur permettent de se « parler » entre eux pour éviter les collisions dans les nuages. « Les transpondeurs fonctionnent. Ils sont éprouvés ». La meilleure option, déclare-t-il, est d’exiger à ce que les autres types d’appareils, comme les dirigeables et les planeurs, soient également équipés de transpondeurs.
Le projet Hiatus de Scanlan n’utilisera pas seulement la technologie des transpondeurs sur ses drones, mais également un système appelé « multiplexage de l’espace aérien », qui consiste à utiliser ses drones durant les heures nocturnes creuses et les mauvaises conditions météorologiques pour réduire davantage les risques de rencontrer un autre appareil.
Il est convaincu qu’une fois qu’il disposera d’une petite flotte de drones imprimés en 3D et volants en toute sécurité sans système de type « détecter et éviter », il sera éventuellement en mesure de convaincre les organismes de régulation qu’il a raison et avoir le droit de faire voler de plus gros appareils de fret dans des zones plus fréquentées. Scanlan déclare : « L’argument le plus convainquant à apporter aux organismes de régulation est de dire ‘nous avons effectué entre 1000 et 5000 heures sans incident, laissez-nous maintenant essayer cela dans un autre périmètre ».