Voici un arrêt qui ne retient pas la force majeure due à une tempête qui avait abattu des arbres :
"Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 21 août 2012), que le 24 janvier 2009, au cours d'une tempête, des arbres et des branches provenant du fonds de Mme X... se sont abattus sur la propriété de la société civile immobilière Courbet (la SCI) ; que celle-ci a assigné Mme X... en réparation des dommages causés à son fonds ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer certaines sommes à la SCI Courbet, à mettre les plantations en conformité avec les dispositions de l'article 671 du code civil et à couper les branches surplombant son fonds, alors, selon le moyen :
1°/ que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'un risque, même certain, ne constitue pas un trouble avéré ; qu'en se fondant sur l'existence d'un « risque important (¿) pour la sécurité des biens et des personnes » pour retenir l'existence d'un trouble anormal et appliquer la théorie des troubles anormaux de voisinage, la cour d'appel a violé, par fausse application ce principe, ensemble l'article 544 du code civil ;
2°/ que le trouble doit, pour engendrer la responsabilité de son auteur, être « anormal » ; qu'en l'espèce, en se bornant, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, à relever « la présence, sur la propriété de l'appelante, d'arbres présentant un danger pour la sécurité des personnes et des biens », la cour d'appel, qui constate par ailleurs l'absence de défaut d'entretien de la propriété et le respect des distances légales d'implantation des arbres, n'a pas caractérisé l'anormalité du trouble et, partant, a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
3°/ que le trouble n'est « anormal » que s'il présente une certaine durée ; qu'à l'inverse, un trouble limité dans le temps relève des aléas de la vie en communauté et n'est donc pas anormal ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de Mme X... sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, la cour d'appel s'est déterminée en considération de la chute d'arbres et de branches sur le terrain de la SCI Courbet à la suite de la tempête Klaus, soit sur une circonstance ponctuelle ; qu'en s'abstenant ainsi de relever le caractère permanent du trouble ayant entraîné la responsabilité de Mme X..., la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
4°/ que la force majeure est exonératoire de responsabilité ; qu'après avoir constaté que la tempête Klaus, classée en catastrophes naturelles, était « à l'origine directe et matérielle de la chute des arbres sur le fonds de l'intimée la SCI COURBET », la cour d'appel a retenu que cette tempête, « quelle que soit sa force » ne constituait pas un événement de force majeure ; qu'en statuant de la sorte, quand ce phénomène climatique
était extérieur, imprévisible au regard des conditions climatiques locales - et n'ayant pas été prévu par Météo France - et irrésistible dans son ampleur et sa violence, la cour d'appel a violé l'article 1384 du code civil, ensemble l'article 544 du même code ;
5°/ que Mme X... soutenait que postérieurement à la réclamation amiable du 19 août 2005 et de la sommation par acte d'huissier de justice du 16 mars 2006, toutes les diligences pour couper ou élaguer les arbres en bordure de propriété, tels que visés par la lettre et la sommation, avaient été effectuées à tel point que, postérieurement aux opérations de coupe et d'élagage, la SCI Courbet n'a plus allégué un quelconque trouble ou dommage, et ce, jusqu'à la tempête Klaus, soit pendant plus de trois ans ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions tendant à démontrer le caractère imprévisible et irrésistible de la tempête, la cour d'appel, qui a expressément constaté que le trouble ne consistait pas en un défaut d'entretien, a en toute hypothèse violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'un procès-verbal dressé le 3 février 2006 par un huissier de justice établissait la présence, sur le fonds de Mme X..., de grands pins maritimes penchant dangereusement vers la propriété de la SCI, que par réclamation amiable du 19 août 2005 et sommation du 16 mars 2006, celle-ci avait sollicité la coupe des arbres les plus proches de ses bâtiments et que, selon un constat établi le 26 février 2009, tous ces pins avaient été jetés à terre par la tempête du 23 janvier 2009, endommageant les bâtiments de la SCI, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que le risque dû à la présence de ces arbres mettant en danger la sécurité des biens et des personnes constituait un trouble anormal de voisinage, a pu retenir que la tempête, à l'origine directe et matérielle de la chute des arbres, ne présentait pas les caractères de la force majeure ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les troisième, cinquième et sixième branches du moyen qui ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer à la société Courbet la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour Mme X...
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Madame X... à payer à la SCI COURBET les sommes de 18.839 ¿, de 2.816,27 ¿ et 84 ¿ ; d'AVOIR, en tant que de besoin, condamné Mme X... à mettre les plantations en conformité avec les dispositions de l'article 671 du Code civil et à couper les branches surplombant le fonds de la SCI COURBET ;
AUX MOTIFS QUE : la responsabilité pour trouble anormal de voisinage et la responsabilité pour faute sont exclusives l'une de l'autre dès lors que la réparation du dommage causé par un trouble anormal de voisinage n'est pas subordonnée à la preuve d'une faute et qu'inversement, le caractère anormal de l'inconvénient subi n'a pas à être établi si les conditions ordinaires de la responsabilité civile sont remplies ; qu'il en résulte que les conclusions de l'intimée doivent s'interpréter comme sollicitant la réparation des dommages subis par son fonds en raison d'un trouble anormal du voisinage ayant consisté en l'espèce dans la présence, sur la propriété de l'appelante, d'arbres présentant un danger pour la sécurité des biens et des personnes ; que l'existence de cette situation, qui, par le risque important qu'elle représente pour la sécurité des biens et des personnes, constitue effectivement un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, est suffisamment établie par :
- Un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 février 2006 (et les photographies annexées) relevant, outre un défaut manifeste d'entretien de la propriété de l'appelante en sa partie confrontant la propriété de la SCI COURBET, la présence de très grands pins maritimes d'environ 20 mètres de haut penchant dangereusement vers la propriété de la SCI COURBET et menaçant directement le garage, la piscine et l'habitation principale en cas de chute ;
- Un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 26 février 2009 duquel il résulte que tous les pins maritimes mentionnés dans le constat du 3février 2006 ont été jetés à terre par la dernière tempête du 23 janvier 2009, que ceux qui ont procédé au nettoyage ont dégradé la clôture qui est complètement avachie, qu'une jardinière a été cassée par la chute des branches, que des branches de pin maritime se trouvent au fond de la piscine, que l'abri de piscine (châssis télescopique) est hors d'usage et des attaches tordues ; que cette situation est de nature, sans qu'il y ait lieu à ordonner une quelconque mesure d'instruction, à engager la responsabilité de Mme X... sur le fondement de l'article 544 du Code civil, étant considéré que l'appelante ne justifie d'aucun cause d'exonération dès lors, s'agissant de la force majeure invoquée du chef de la tempête Klaus, à l'origine directe et matérielle de la chute des arbres sur le fonds de l'intimée, que ce phénomène climatique, quelle que soit sa force, ne peut être en l'espèce considéré comme un événement imprévisible et irrésistible au regard de la réclamation amiable par lettre du 19 août 2005 et de la sommation par acte d'huissier de justice du 16mars 2006, sollicitant la coupe des arbres les plus proches des bâtiments de la SCI COURBET et la menaçant ; que s'agissant de l'absence de faute de l'appelante tirée d'un entretien régulier de sa propriété, que le trouble consiste non en un défaut d'entretien de la propriété de Mme X..., mais dans la présence d'arbres dangereux, susceptibles de s'abattre sur les bâtiments de la SCI COURBET, en sorte d'une part, que l'attestation de la CAFSA organisme chargé de la gestion forestière de la propriété de Mme X..., sur l'entretien et l'exploitation réguliers des parcelles de l'appelante, est sans intérêt, les dommages causés à la propriété de la SCI COURBET par la chute d'arbres implantés sur le fonds X... démontrant que les mesures préventives nécessaires et indispensables à la sécurité des fonds voisins n'ont pas été prises par l'appelante ; que sur la prétendue faute de la victime, qu'à supposer même que l'obligation e débroussaillement résultant des articles L. 321-1 et suivants du Code forestier et de l'arrêté préfectoral du 7 juillet 2004 relatif à la protection de la forêt contre les incendies s'imposât à la SCI COURBET, ce droit (et devoir) d'intervention sur les propriétés voisines, consistant à limiter le risque de propagation d'incendies en coupant les plantes herbacées, les arbustes, en élaguant les branches basses et en éliminant les végétaux ainsi coupés, ne confère pas aux propriétaires intervenants sur un fonds voisin le pouvoir de procéder à des abattages d'arbres ; que s'agissant du respect des distances légales d'implantation des arbres, que la circonstance que les arbres litigieux étaient implantés à plus de deux mètres de la ligne divisoire des fonds des parties est indifférente à la solution du litige, le trouble anormal de voisinage provenant non du lieu d'implantation des arbres, mais de leur hauteur excessive et dangereuse pour la propriété voisine à l'égard de laquelle la SCI COURBET ne disposait, au titre de l'article 672 du Code civil, d'aucun droit d'intervention ; que s'agissant de la prescription trentenaire et de l'antériorité de l'exploitation forestière de la propriété de Mme X... (article L. 112-16 du Code de la construction et de l'habitation), qu'aucun élément du dossier n'établit que les arbres qui se sont abattus sur la propriété de l'intimée avaient atteint une hauteur engendrant le risque d'endommagement de ladite propriété plus de trente ans avant la survenance de leur chute ou avant la construction des bâtiments sur la parcelle de la SCI COURBET ; que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Mme X... responsable, sur le fondement de l'article 544 du Code civil, des dégradations causées sur le fonds de la SCI COURBET par la chute d'arbres implantés sur la propriété de Mme X... le 24 janvier 2009 ;
1°) ALORS QUE nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'un risque, même certain, ne constitue pas un trouble avéré ; qu'en se fondant sur l'existence d'un « risque important (¿) pour la sécurité des biens et des personnes » pour retenir l'existence d'un trouble anormal et appliquer la théorie des troubles anormaux de voisinage, la cour d'appel a violé, par fausse application ce principe, ensemble l'article 544 du code civil ;
2°) ALORS QUE (subsidiaire) le trouble doit, pour engendrer la responsabilité de son auteur, être « anormal »; qu'en l'espèce, en se bornant, pour retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage, à relever « la présence, sur la propriété de l'appelante, d'arbres présentant un danger pour la sécurité des personnes et des biens », la cour d'appel, qui constate par ailleurs l'absence de défaut d'entretien de la propriété et le respect des distances légales d'implantation des arbres, n'a pas caractérisé l'anormalité du trouble et, partant, a en toute hypothèse privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
3°) ALORS QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'à supposer même que le risque lié à la présence d'arbres dangereux puisse constituer un trouble excédant les inconvénients anormaux du voisinage, la cour d'appel n'a pas, en l'espèce, caractérisé la dangerosité des arbres plantés sur la parcelle de madame X... ; qu'en se bornant ainsi à affirmer « la présence d'arbres dangereux » (arrêt p. 4, § 2, p. 5 § 4), la cour d'appel a statué par un motif péremptoire et a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le trouble n'est « anormal » que s'il présente une certaine durée ; qu'à l'inverse, un trouble limité dans le temps relève des aléas de la vie en communauté et n'est donc pas anormal ; qu'en l'espèce, pour retenir la responsabilité de madame X... sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage, la cour d'appel s'est déterminée en considération de la chute d'arbres et de branches sur le terrain de la SCI COURBET à la suite de la tempête KLAUS, soit sur une circonstance ponctuelle ; qu'en s'abstenant ainsi de relever le caractère permanent du trouble ayant entraîné la responsabilité de madame X..., la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil ;
5°) ALORS QUE le premier occupant des lieux peut opposer à la victime d'un trouble du voisinage l'antériorité de son activité ; qu'à cet égard, madame X... avait expressément invoqué l'exception de préoccupation en soulignant que la SCI COURBET s'était établie en toute connaissance de cause en milieu forestier à proximité d'arbres plantés depuis un siècle, donc bien antérieurs à son acquisition et à la construction de l'habitation en question ; qu'en se bornant dès lors à énoncer qu'il n'était pas établi que les arbres ayant chuté avaient atteint une hauteur à l'origine du risque « plus de trente ans avant la survenance de leur chute ou avant la construction des bâtiments sur la parcelle de la SCI COURBET », sans répondre au moyen tiré de la préoccupation, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, en ne recherchant pas si, à la date d'acquisition de la parcelle par la SCI COURBET, celle-ci n'avait pas déjà connaissance de l'existence du risque- fût-il potentiel - généré par la hauteur des arbres litigieux, recherche essentielle pour la solution du litige, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 112-16 du code de la construction et de l'habitation et du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ;
7°) ALORS QUE la force majeure est exonératoire de responsabilité ; qu'après avoir constaté que la tempête Klaus, classée en catastrophes naturelles, était « à l'origine directe et matérielle de la chute des arbres sur le fonds de l'intimée la SCI COURBET », la cour d'appel a retenu que cette tempête, « quelle que soit sa force » ne constituait pas un événement de force majeure ; qu'en statuant de la sorte, quand ce phénomène climatique était extérieur, imprévisible au regard des conditions climatiques locales ¿ et n'ayant pas été prévu par Météo France - et irrésistible dans son ampleur et sa violence, la cour d'appel a violé l'article 1384 du code civil, ensemble l'article 544 du même code ;
8°) ALORS QUE madame X... soutenait que postérieurement à la réclamation amiable du 19 août 2005 et de la sommation par acte d'huissier de justice du 16 mars 2006, toutes les diligences pour couper ou élaguer les arbres en bordure de propriété, tels que visés par la lettre et la sommation, avaient été effectuées (conclusions d'appel pp. 5 et 6) à tel point que, postérieurement aux opérations de coupe et d'élagage, la SCI COURBET n'a plus allégué un quelconque trouble ou dommage, et ce, jusqu'à la tempête KLAUS, soit pendant plus de trois ans ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions tendant à démontrer le caractère imprévisible et irrésistible de la tempête, la cour d'appel, qui a expressément constaté que le trouble ne consistait pas en un défaut d'entretien, a en toute hypothèse violé l'article 455 du code de procédure civile."