Mon top 10 sculptures antiques: N°4: la victoire de Samothrace (Louvre, Paris)

Publié le 21 décembre 2014 par Romain Delannoy

S'il manquait les bras à la Vénus de Milo (article ici), il manque à La victoire de Samothrace, la tête. Cette statue est un chef d'oeuvre de l'art grec dont la base est une proue de navire. En plus d'être enveloppée d'un drapé mouillé, elle est aussi nimbée de mystère. C'est ce genre d'oeuvre qui nous subjugue toujours: le fait de ne pas savoir ne peut qu'engendrer la curiosité.

Priez pour la victoire

Pourquoi dans le top 10? L'art grec au summum

Les trésors au Louvre sont assez nombreux mais celui-ci est à classer dans le top 5 sans l'ombre d'un doute. Nous nous situons ici à l'époque hellénistique, celle où les Grecs sont assujetis au royaume de Macédoine. Elle nous étonne d'abord par ses dimensions impressionnantes: 5,57 mètres de hauteur. C'est bien le minimum pour la déesse Niké, ce qui signifie victoire en grec (d'ailleurs à Athènes, c'était Athéna Niké qu'on honorait) d'où le titre de cette oeuvre. Le titre est cependant à compléter. Samothrace n'est en aucun cas un personnage mais une île. Il existait là bas un grand sancturaire, dédié aux Grands Dieux et aux Mystères, des cultes non publics et qui devaient se faire dans le secret. De nombreux pélerins de tout le monde grec se pressaient dans cette partie de l'Asie mineure, ce qui suppose que le lieu où a été retrouvé cette sculpture immense avait une certaine importance. Cette statue constitue d'ailleurs tout simplement une offrande à ces Grands Dieux. Les Grecs avaient une relation avec ceux qu'ils honoraient très différente de la notre: c'était le don contre don. Je t'honore mais en retour je veux ceci. Ainsi, il les invoquait dans l'île de Samothrace pour éviter un naufrage ou remporter une guerre.

 

L'art au summum de la victoire

Cette statue est une véritable prouesse, édifiée dans le marbre blanc de Paros. C'est six morceaux en tout qui ont été taillés: un pour le buste, un pour le corps, deux pour les bras et deux pour les ailes. Celles-ci se déploient face au vent avec un incroyable réalisme. Cette pratique d'assemblage est recensée dans beaucoup d'ateliers d'Asie mineure. Le plus dur a été d'équilibres tous ces blocs. Ils étaient assemblés par du bronze et du fer. Ce qui est aussi passionant dans cette sculpture, c'est le travail sur les drapés. Les Grecs apportaient un soin tout particulier à ce qu'ils ne considéraient pas alors comme un détail. D'ailleurs, depuis la Grèce classique, le drapé mouillé était devenu à la mode et recouvrait les corps semi dénudé des corps de femme, en particulier des Vénus. Il y a ici deux tissus: celui fin qui recouvre le corps et le manteau qui recouvre le bas, beaucoup plus épais. L'effet du vent (la Victoire serait sculptée au moment où elle se pose sur le navire) est renforcé par le pan à l'arrière qui s'échappe. Le reste semble collé aux corps comme à l'époque des grands sculpteurs classiques. D'ailleurs, il n'y a aucune statue comparable à celle-ci en Asie mineure, ce qui fait supposer à beaucoup d'historiens que l'artiste viendrait d'ailleurs. 

Par contre, on a remarqué qu'en Asie mineure, beaucoup de navires avaient été sculptés. Il est donc tout à fait normal de la retrouver sur ce genre de socle, d'autant que les batailles navales existaient. De plus, beaucoup d'hypothèses convergent vers un bateau typiquement rhodien, Rhodes étant une cité d'Asie mineure. Beaucoup d'éléments auraient disparu. On y devine encore l'éperon à l'avant et l'éperon secondaire destiné à perser la coque des bateaux ennemis. Ce thème est tout à fait compréhensible quand on sait qu'il y a eu de nombreuses batailles contre Philippe de Macédoine en Méditerranée. En attendant, la datation comme son auteur restent inconnus malgré les pistes. Encore une fois, nous devons faire appel à notre imagination.