Si le lecteur et son livre forment un couple charmant, n’oublions jamais qu’un troisième larron se mêle souvent à eux, trace tangible de l’avancée de leur union, je veux parler du marque-page.
Jean-Marie Gourio écrivait dans son ouvrage Chut ! : « Il n’existe pas de livre qui ne possède son marque-page ! Vieux billet de train, ticket de métro, ticket de cinéma, fleur séchée, feuille d’arbre, bout de laine, carte postale, (…) tous ces petits objets entament une deuxième vie et nous les manipulons avec affection dès lors qu’ils nous rendent l’immense service de toujours répondre à la question terrible : où c’est que j’en étais moi hier soir ? »
Effectivement, le marque-page ce signet que l’on insère entre deux pages d’un livre, peut être de toute nature. Soit ce sera un petit objet quelconque, de ceux désignés par Gourio, dont on prolongera la vie par cette utilisation inattendue, pragmatique et poétique à la fois. Soit ce sera un véritable marque-page, acheté dans le commerce ou offert gracieusement par un éditeur par exemple, dans un but promotionnel. Car bien entendu, il n’est jamais permis de corner une page de livre !
Mes marque-pages, car j’en ai plusieurs, ressortent plus de cette dernière catégorie, exceptés deux modèles en métal, souvenirs chers m’ayant été offerts jadis. Je les conserve au fond d’un tiroir de mon bureau par sentimentalité plus que par utilité puisqu’en fait je n’en utilise que deux principalement. Un grand modèle en carton fort pour les gros livres, et un autre plus court et plus mince pour les bouquins en format de poche.
On voit là, le lien entre livre et marque-page, comme les couples, ils doivent être assortis. De temps à autre, je change de modèle mais j’en reviens toujours aux mêmes. Car si le signet m’accompagne tout du long de mes lectures, il ne doit pas se faire remarquer par son graphisme, son texte ou autre, ma priorité c’est le bouquin que je lis.
Durant la lecture il reste sagement coincé dans les dernières pages du livre, puis quand je sens que je vais m’arrêter, je le reprends en main et il m’accompagne pour les dernières lignes que je m’accorde. Ou bien je me fixe un but, cesser ma lecture à la fin d’un chapitre précis et je l’y place et il m’y attend sagement jusqu’à mon arrivée. Inversement, selon le type de bouquin – je parle de son épaisseur ou de la rigidité de sa jaquette -, il arrive un moment où le marque-page est rangé provisoirement en début d’ouvrage car sinon il forme une sorte d’obstacle désagréable au tournement des pages. On s’aperçoit alors, que l’utilisation de ce signet requiert expérience et méthode, ce dont on ne se serait pas douté, de prime abord.
Si j’étais honnête, j’ajouterais que mon attirail de lecteur s’accompagne aussi d’un crayon à mine et d’une feuille de papier où je prends des notes, mais ces détails triviaux n’ont que faire ici… Et vous, à quelle école vous rattachez-vous ? Celle des adeptes du marque-page occasionnel genre ticket de métro ou bien de ceux qui ne voient que par le vrai signet, conçu pour ?