Le 30 octobre, le Corriere della Sera a publié un entretien du journaliste Stefan Montefiori avec Éric Zemmour. Ce polémiste y envisageait le départ de France de cinq millions de Musulmans. Cet article n’a guère soulevé d’écho en France jusqu’à ce que Jean-Luc Mélenchon, opposé à Éric Zemmour, l’évoque sur RTL vendredi 12 décembre au cours de l’émission On refait le monde.
Devant l’émoi soulevé par ces propos, Éric Zemmour se défend en disant qu’il n’a employé ni le mot déporter ni le mot déportation. Le journaliste italien qui l’avait interrogé a ensuite confirmé qu’Éric Zemmour n’avait pas employé le mot déportation, déclarant : « Au terme d’une conversation sur "Le suicide Français", les échecs de l’assimilation et du modèle multiculturel, je lui ai posé la question suivante. “ Mais vous ne pensez pas que ce soit irréaliste de penser qu’on prend des millions de personnes, on les met dans des avions…” il ajoute “ ou dans des bateaux ”, et je reprends “ pour les chasser” ? »
Éric Zemmour, ce phare auto-proclamé de la pensée, qui sait tout sur tout, démontre ici sa méconnaissance de notre langue. La déportation était une peine politique afflictive et infamante qui consistait dans le transport définitif du condamné hors du territoire continental français. C’est ainsi que le capitaine Dreyfus avait été déporté à l’île du Diable. Dans le code pénal, elle a ensuite été remplacée par la détention criminelle à perpétuité. Mais le terme de déportation désigne aussi le fait de déporter, de transporter par la force des personnes ou des populations. Par exemple, en 1944, les Soviétiques avaient déporté 183000 Tatars de Crimée vers l’Asie Centrale.
Ce mot a pris une résonance encore plus tragique depuis son utilisation par les Nazis et leurs supplétifs français qui conduisaient les déportés non pas seulement au loin mais à la mort. C’est d’ailleurs l’emploi même de ce terme de déportation qui conférait à l’opération pour certains contemporains une allure presque bénigne. Mais la prophétie qu’Éric Zemmour fait d’un exode des Musulmans décrit bel et bien, ne lui déplaise, une déportation.
Ce ne sont pas les mots qui dépassent sa pensée, c’est elle qui est si abjecte que les mots font défaut pour l’exprimer.