19 Décembre 2014, Le Silo.
Ces 12 derniers mois j’aurai eu la chance de vous raconter des concerts de rap (Procussions, La Rumeur, Sole), d’electro (aux festival Mimi et Marsatac) de pop rock (Phoenix, Motorama, Aline, Metronomy, Daho, Peter Peter, Orval Carlos Sibelius, Words failed to talk, Au Revoir Simone, the Pirouettes…), de chanson (Pauline Croze), voire punk (Duchess Says), de jazz (Herbie Hancock, Ibrahim Maalouf) de soul (Bettye Lavette), de funk (George Clinton), globalement 2014 dans le coin était plutôt un bon cru. Ne manquait qu’un bon gros concert de variété pour clôturer l’année de façon un peu originale.
Et quitte à n’en voir qu’un, autant choisir le plus improbable, notre photographe vedette ayant déjà poussé le vice de couvrir celui de Mireille Mathieu, ce sera pour ma part la date Marseillaise du « Happy Birthday tour » de… Nana Mouskouri qui vient fêter sur scène ses 80 ans.
Effarement logique de mes amis trentenaires, dont une qui ne s’est jamais remise de ses chants de Noël subis enfant.
Pour beaucoup de ma génération, Nana Mouskouri évoque au choix, une bavarde que personne n’arrête pas même Michel Drucker, une publicité pour un déodorant ou un sketch hilarant de De Caunes/Garcia.
Préjugés avec lesquels j’ai grandi jusqu’à découvrir, via des chansons samplées sur le très bon album electro pop « Programmed to love » de Bent, qu’elle a eu une carrière pas toujours infréquentable.
Peu savent qu’entre des dizaines de sucreries en 8 langues elle a enregistré des disques de jazz avec Quincy Jones ou fait tout un EP de reprises de Leonard Cohen.
Et si ce soir elle fera évidement la part belle à ses tubes connu des francophones, elle tachera de distiller ici et là une facette assez classe de son répertoire.
Notamment avec des musiciens sobres et élégants, il y a un bon bassiste, un multi instrumentiste qui joue aussi bien du mélodica que des congas ou de la clarinette, un guitariste aussi à l’aise dans le sirtaki que la bossa nova.
Seul le pianiste flirte dangereusement avec le mauvais goût lorsqu’il accompagne son clavier de nappes de synthés/violons emphatiques et assez indigestes.
Tout de rouge vêtue, elle commence son récital avec un morceau en Grec inconnu de votre chroniqueur et de la salle visiblement.
Ce n’est pas le cas des titres en français qui déclenchent des applaudissements émus et nostalgiques.
« Pauvre Rutebeuf » (popularisé par Leo Ferré), « La vie, l’amour, la mort », « Le Temps Qu’Il Nous Reste », « Tous les arbres sont en fleurs », des classiques que je découvre ce soir, à la teneur souvent mélancolique.
Plus familière est sa reprise de « Guantanamera » prélude à des morceaux plus enjoués.
Ce sera un medley très apprécié avec « Comme un soleil », « Quand tu chantes » et « Milisse Mou ».
Nana, par contre, apprécie moins le comportement de certains spectateurs alors qu’elle allait présenter son groupe et le fait savoir sèchement.
Depuis le temps que je peste de chronique en chronique contre les smartphones qui polluent à outrance certains concerts, il aura fallu attendre celui là pour qu’une artiste dire que ces flashs la perturbaient quitte à oser en froisser certains.
Rien que pour ça, et au nom de toutes ces soirées visuellement gâchées, elle aura mon respect e-ter-nel.
Ses autres interventions seront beaucoup plus détendues.
Bien aimé le passage où elle évoque sa première partie du fantasque Liberace qui la rassure backstage alors qu’elle avait un trac fou en lui disant « tu chantes bien, les gens t’aiment, et puis rappelle toi que ce sont les 80 premières années qui sont les plus difficiles ».
Un peu plus tard elle évoque les grandes voix jazz qui l’on inspirée, de Billie Holliday à Ella Fitzgerald, et rend hommage à une plus jeune qu’elle regrette de ne pas avoir vue de son vivant.
Et là, elle entonne ni plus ni moins que le sublime « Love is a losing game » d’Amy Winehouse.
Un des moments forts de la soirée.
La suite est plus légère, avec un « Adieu Angelina » accompagnée de sa fille Lénou Petsilas, aux courbes aussi séduisantes que ses vocalises fatigantes.
Elle occupera la scène seule pour trois titres polyglottes, un en français, l’autre en anglais, et pour finir un classique en espagnol, « Alfonsina y el mar », hymne Argentin chanté entre autres par Mercedes Sosa.
Nana revient avec le fameux générique de série tv « L’Amour en héritage » et nous parle cinéma, de son père projectionniste, d’un album qu’elle a enregistré avec Michel Legrand.
Et c’est reparti pour un nouveau medley, avec « The summer knows » (de la BO d' »un été 42« ), « La vie en rose » en allemand (!), « Les feuilles mortes », le thème de « Love story » et « Somewhere over the rainbow ».
Sa voix sur ce passage impressionne encore plus, portée par des arrangements quatre étoiles.
Vient après un tube reconnu de tous, « Plaisir d’amour », son adaptation du « Can’t help fallin in love » d‘Elvis.
Puis les inévitables scies « Je chante avec toi Liberté » et « Amazing grace » avant de quitter la scène alors qu’on assiste à un petit miracle digne de Lourdes, une longue standing ovation récompensée par un retour de la Diva sans musiciens ni micro pour un ultime titre accapella, écouté dans un silence religieux.
Et même si son premier concert à Marseille depuis plus de 20 ans était loin d’afficher complet, il aura autant régalé le néophyte dont vous lisez les lignes que son vrai public.
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