J’aime beaucoup le principe de cette collection où un
illustrateur, après avoir librement créé autour d’un thème (ici la montagne),
laisse un auteur s’emparer de son
travail et organiser les images comme il le souhaite pour inventer une histoire.
Enfin, j’aime la façon dont Maylis de Kerangal s’est appropriée l’idée, cherchant,
comme elle le précise en postface, à « capter ce point de bascule où
la contrainte - ici, les illustrations – devient un moteur d’écriture
personnelle, une liberté ». En général je ne suis pas un grand adepte des
travaux « de commande » de ce genre mais cette explication en fin d’ouvrage
apporte un éclairage que je trouve très intéressant, comme la plongée dans l’atelier
de Tom Haugomat où l’on découvre sa méthode de travail particulière, notamment la
technique de la sérigraphie pour l’impression.
L’histoire est simple et pas forcément passionnante, je le
reconnais, mais j’admire la façon avec laquelle l’auteure de « Réparer les vivants » ne s’est autorisée aucune concession en terme d’écriture alors
qu’elle s’adresse en théorie à un public d’enfants. On ouvre la première page
sur une métaphore (« Le jour s’est levé et un courant d’air glacé me
brosse le visage »), on découvre quelques lignes plus loin « l’air
sec et le ciel translucide […] solide comme un dôme » et le héros sent « une
sorte d’éboulement à l’intérieur de [son] corps » en regardant les cimes. Le lexique est riche, on retrouve sa prose hyper descriptive où
dominent les verbes d’action et les longues phrases dont elle a le secret. Pas
de concession, certes, mais rien de pompeux dans le résultat. La lecture est
fluide et le langage soutenu offre du souffle à un
récit de randonnée en montagne plutôt anodin malgré quelques éléments
instaurant peu à peu une certaine tension.
Visuellement c’est somptueux. Avec deux couleurs (le bleu et
le rouge), l’illustrateur crée une atmosphère chargée d’air pur et glacial dominée par la blancheur d'une neige immaculée. Un bel objet-livre à l'esthétique soignée et au charme incontestable.
Hors-pistes de Maylis de Kerangal et Tom Haugomat. Thierry
Magnier. 32 pages. 16,50 euros.
L'avis de Nadael