Pour son deuxième long-métrage, La French, Cédric Jimenez s’attaque à un sujet bien connu des amateurs de polars, le milieu mafieux marseillais des années 70, la French Connection dont l’incarnation cinématographique la plus fameuse est certaine French Connection de William Friedkin avec Gene Hackman. Le duo Dujardin/Lellouche se retrouve pour la troisième fois derrière l’écran, sûrement pour leur meilleur collaboration.
En 1975, à Marseille, ville sous le mandat de Gaston Deferre (Féodor Atkine dont on a parlé pour Dans la cour), bientôt ministre de l’Intérieur de François Mitterrand, Pierre Michel (Jean Dujardin dont on a parlé pour Monuments Men), jeune juge aux affaires des mineurs est promu juge du grand banditisme. Sensible aux ravages de la toxicomanie, il est déterminé à s’attaquer à Gaëtan Zampa (Gilles Lellouche) qu’il considère être le parrain de la Mafia qui contrôle le trafic d’héroïne entre la France et les États-Unis.
Pierre Michel (Jean Dujardin)
La French a une qualité qui est tout à la fois un défaut, Pierre Michel et son Némésis Gaëtan Zampa subissent exactement le même traitement scénaristique. Les deux hommes sont mis en scène au travail comme dans leur vie privée. Cela à l’avantage de les rendre proche du public et de favoriser l’immersion dans l’époque et le milieu décrit mais devient également un inconvénient en faisant du parrain mafieux un type comme les autres. Ce procédé échaudé est efficace lorsqu’il est couplé à une violence exacerbée émergeant d’un seul coup. Il met alors en lumière l’ambiguïté et la folie sous-jacente du malfrat. Mais dans La French, le caractère horrible de son commerce ne prend jamais le dessus sur son aspect de bon père de famille. Les scénaristes ont sûrement voulu faire de Zampa un homme intelligent trompant tout le monde sur sa vraie nature. Malheureusement, le spectateur finit aussi par s’y perdre.
Pierre Michel (Jean Dujardin) et José Alvarez (Guillaume Gouix)
Cependant, Dujardin comme Lellouche, au physique très ressemblant, conviennent à merveille pour jouer ces rôles et sont bluffants. La French reste un bon polar, bien au-dessus de la majeure partie de la production française dans ce genre. Bien documenté, le film fourmille de référence à de tristes événements bien réels. Il retranscrit avec vraisemblance toute une époque, romançant certains instants de l’histoire que la justice française n’a pas élucidé. Là où La French est le plus intéressant, c’est certainement dans son exploration des collisions entre mafia et pouvoir politique. Sans ambiguïté, Jimenez remet sur le tapis la probité toute relative de Gaston Deferre. Celui-là même qui, une fois devenu ministre de l’Intérieur, put mettre un terme à la French Connection par une série de coup de filet incroyablement bien venu pour sa carrière. A la tête d’une brigade de police corrompu, issu de la mafia corse, on retrouve Ange Mariette interprété par Gérard Meylan, un des acteurs fétiches de Robert Guédiguian (et que l’on a présenté dans l’article sur Au fil d’Ariane). Rappelons que cette corruption sévissait des deux cotés de l’Atlantique, nous vous invitons à aller voir Secret d’État à ce sujet. Il aura fallu la mort du juge Michel, homme intègre ayant heurté trop de sensibilité, pour que les pouvoirs publiques s’investissent vraiment dans la lutte contre l’héroïne.
Gaëtan Zampa (Gilles Lelouche)
Concluons que La French n’est pas le film coup de poing qu’on nous a vendu. Si le milieu est sulfureux, le personnage campé par Lellouche ne l’est pas tant que ça. Toutefois, La French gagne ses lettres de noblesses sur un autre terrain, celui de la chronique policière réaliste, aidée par une interprétation très juste et une réalisation à la fois classique et soignée nous menant doucement à une conclusion connue d’avance sans que jamais l’on ne s’ennuie le moins du monde.
Boeringer Rémy
Pour voir la bande-annonce :